Noémie de Lattre, féministe pour Homme
Un portait en toute intimité
Joué à Avignon cet été au théâtre des Béliers, Féministe pour homme ouvre la réflexion sur une pléiade de questions autour de la condition féminine et décape avec le sourire et un humour sans concession les stéréotypes dont les féministes sont le plus souvent affublées. Un show détonnant aux sujets multiples et variés dont l’objectif est de mettre en mouvement une pensée qui, une fois chez nous, continue de cheminer et de nous interroger.
Saisons de Culture est allé à la rencontre de cet esprit libre qui dès l’enfance, a toujours voulu être actrice. Mais de là à imaginer qu’elle serait un jour porteuse d’un message politique et surtout féministe… comme devenir auteur… et pourtant, si elle regarde aujourd’hui le tracé de toutes ses années professionnelles, lui apparaît, après coup, une linéarité évidente.
Ce qui nous frappe chez Noémie de Lattre, c’est son incroyable capacité à creuser les idées, à aller le plus loin possible avec une légèreté de ton qui n’exclut en rien le fond. Il y a chez elle, un vrai instinct, un pif incroyable et une telle vivacité pour attraper les fils d’une problématique que cela donne l’impression d’être le témoin privilégié de l’élaboration d’uneréflexion avant sa mise en forme sur le papier. La théorie, elle avoue, ce n’est pas trop son truc. Proche d’un féministe pop qui se vit plus qu’il ne se pense,Noémie de Lattre préfère se référer à sa vie, à celles des autres femmes et des hasards de la vie qui nous font aussi évoluer. Pourtant, pour la première fois cet été, grâce à un article sur des portraits de féministes dans Le Point, elle s’est intéressée à leur philosophie de manière plus théorique. Et plus on creuse, plus on creuse et on se met à voir des choses plus enfouies. Il y a une parole qui est en train de se libérer en ce moment sur la sexualité, je viens de réaliser que même moi qui suis féministe engagée, hyper sensible sur les inégalités et me prétend libérée sexuellement, je suis complètement dans une sexualité androcentrée (…) c’est uniquement parce que c’est comme ça que l’homme jouit qu’on a décidé que c’était le modèle de la sexualité. A 40 ans, je me rends compte seulement maintenant que je me fourvoyais aussi. Et notre responsabilité à nous en tant que femme, c’est qu’on ne leur a jamais dit à nos mecs que ce n’était pas comme ça. D’un point de vue intellectuel, je ne me positionne pas au bon endroit, je me positionne dans un monde d’hommes, fait par les hommes pour les hommes, ce qui est aberrant. Je me rends compte de plein de choses (…) En effet, toutes ces prises de tête que nous connaissons toutes par cœur pour savoir ce que pense notre mec, pourquoi il a dit ça, à essayer de faire son exégèse, à essayer de s’adapter à lui et d’un coup, se demander si lui aussi a pris deux secondes de sa vie pour se poser toutes ces questions. Ben non ! Tous les couples hétéros du monde tiennent grâce à la femme, c’est toujours nous qui nous interrogeons sur qu’est-ce que notre histoire ? Le but, où ça va ? A tirer la sonnette d’alarme, attention on s’ennuie, un peu de romantisme, des projets… Il s’agit d’un rapport homme-femme totalement ancré dans notre société et cette charge mentale est exclusivement féminine. (…) Il y a tellement de codes de domination masculine qu’on a intégrés qu’on est les premières à les véhiculer.
Noémie de Lattre est loin d’en avoir fini et même si nous rêvons tous d’un monde d’égalité, de parité, plus juste, moins violent… En attendant, nous nous réjouissons de voir ses imperfections, ses déséquilibres sur scène. Féministe pour homme, au café de la gare à partir du 26 septembre, une invitation pleine d’audaces et très culottée !
Sabine Hogrel
Féministe pour homme au café de la gare pour cinq représentations, tous les mercredi 21h à partir du 26 septembre 2018