Portraits

Alexandre Donnat

Entretien avec Mylène Vignon

J’ai rencontré Alexandre il y a une dizaine d’années dans une librairie du quartier latin à Paris. Interpellée par ses connaissances en art, j’ai alors suivi ses diverses actualités artistiques. Aujourd’hui, il se lance dans une étrange aventure en érigeant les fondations du Plus petit musée du monde.

 

Entretien :

 

Alexandre Donnat, vous surprenez toujours par vos initiatives tant périlleuses que bienveillantes, d’où vous vient ce goût pour l’art et les artistes ? Atavisme où découverte ?

 

Mon  père  était fleuriste de profession, je l’ai toujours vu dessiner des bouquets de fleurs. J’ai donc grandi dans cet univers de dessin et de belles histoires autour de la peinture.

 

Quel enfant étiez vous à 10 ans ?

 

Agité, curieux et paradoxalement souvent malade, ce qui me mettait à fleur de peau. Je collectionnais les cailloux, pratiquait le football et le vélo et j’étais plutôt bon élève. Mes études secondaires furent studieuses et réussies. Je me suis passionné pour les timbres, les objets militaires et les images religieuses, ce qui m’a amené à fréquenter des adultes très tôt.

 

Comment a commencé la rencontre avec les artistes ?

 

Vers mes 16 ans, j’ai eu l’opportunité de rencontrer le père Pierre Callewaert avec lequel j’ai eu des conversations passionnantes, sa mère était femme de chambre chez Maurice Utrillo. J’ai ensuite connu l’abbé Coutant, qui fut très ami avec Gaston Chaissac et qui m’a amené à Laurent Danchin.

J’ai vraiment commencé ma collection à 18 ans, avec l’aide d’Emmanuelle Tournois, alias Zouille, en fréquentant le musée d’Art brut à Lausanne. Ma première acquisition fut une œuvre de Jaber.  Grâce à Françoise Monnin, rédactrice en chef de la revue Artension, j’ai eu le bonheur d’être présenté à André Robillard, avec lequel j’ai édité très récemment des gravures réalisées à l’atelier de Sophie Sainrapt.

 

Que représente pour vous le travail de Sophie Sainrapt, cette artiste dont les œuvres nous ont souvent réunis ?

 

J’ai rencontré Sophie Sainrapt à l’âge de 25 ans, l’âge où le corps de la femme est encore un mystère. Ce fut pour moi un émerveillement et une révélation. Sophie porte une réelle dévotion au corps de la femme, ses vallons, ses replis…toute son œuvre en atteste, de plus elle a une énorme puissance de travail et un itinéraire hors norme.

 

Quel fut ensuite votre parcours en quête de talents à soutenir ?

 

Un vrai parcours initiatique !  Je collectionne comme un artiste brut, sans avoir appris préalablement l’histoire de l’art, même si depuis j’ai ouvert des ouvrages et erré dans les galeries et autres lieux voués à l’art. Ce fut la rencontre avec le père Séraphin, puis le commissaire priseur Pierre Cornette de Saint Cyr, qui à l’époque de mes débuts était partant pour me prêter des œuvres de sa propre collection – notamment d’Yves Klein – afin de sauver l’église Sainte Rita, qui était alors menacée d’expulsion. Un homme tellement généreux et toujours disponible pour m’accueillir dans son bureau. Malheureusement il nous a quitté après un parcours sans faute, laissant orphelins beaucoup d’entre nous.

 

Quel est le lien qui vous rattache à André Robillard ?

 

J’éprouve pour André une réelle affection et je sais qu’elle est partagée. J’ai aussi pour l’homme comme pour l’œuvre une très grande admiration. Son travail qui est son engagement est basé sur l’amour de son prochain. Il conçoit des armes en carton afin de combattre dit-il la misère du monde.

Chaque fois qu’il m’est possible, je vais le chercher dans cette maison médicale où il a passé sa vie. C’est un grand plaisir et une gratification sans limite d’échanger avec lui, qui à 92 ans passé, forme toujours des projets d’expositions et de voyages chez ses amis collectionneurs de ses œuvres magnifiques.

 

Pouvez-vous nous parler de votre longue épopée avec Ben Vautier qui vient de nous quitter ce mois de mai 2024 ?

 

Nous avions l’intention de nous revoir chez lui à Saint-Pancrace sur les hauts de Nice, pour évoquer mon projet de musée dont il avait accepté d’être le parrain. Nous avions beaucoup échangé lors de ses expositions à Paris chez Youri Vincy, son galeriste et par téléphone. Il avait proposé pour nommer mon plus petit musée du monde, le texte de l’un de ses tableaux-slogan : Le plus laid musée du monde. C’est comme si la phrase était interrompue. Je suis encore sous le choc et de fait cela retarde un peu l’ouverture qui devait avoir lieu dès cet été.

 

Un projet se dessine avec la mairie

 

Alors, en conclusion de cet entretien, quand et où aurons nous le plaisir de vous rendre visite dans votre Petit musée, entouré des œuvres de tous vos amis, cher Alexandre ?

 

Probablement en automne 2024, dans la périphérie du Centre Pompidou, autour d’un banquet officiel – j’adore l’idée de banquet – et bien évidemment au musée qui se situera rue de Montmorency.

Et également se dessinent d’autres projets avec la mairie de Paris.

 

Belle adresse !  Longue vie à ce musée très attendu et à tous les projets !