Portraits

Anna Laura Rucinska

Entretien avec Mylène Vignon

C’est au fil des Florilèges, que la présence discrète d’Anna s’est affirmée au sein de Saisons de Culture. Fidèle et assidue, l’auteure de Songe de Cèdre a accepté de répondre à mes questions.

Entretien

Chère Anna, tu es née en Pologne et tu as choisi de vivre en France, en région parisienne. Peux-tu nous parler de ton enfance et de ton adolescence en Pologne. Comment était rythmée la vie d’une jeune fille polonaise ?

Ce n’est pas une question de choix pour cette période, c’est plutôt les évènements de la vie qui ont fait que je me suis retrouvée ici.

Je parle beaucoup de la vie en Pologne sous le régime communiste dans mon premier livre qui a été publié en 2017 sous le titre « Zagubieni w Paryżu ». C’est très difficile d’expliquer la vie d’autrefois qui se trouvait de l’autre côté du rideau de fer aux gens qui n’ont connu que la liberté occidentale. Mais même là-bas les jeunes gens rêvaient, aimaient, s’amusaient. Pour les projets concrets c’était une autre histoire car il y avait beaucoup de difficultés pour les familles qui étaient considérées comme l’ennemi du peuple travailleur.

Quels étaient tes rêves d’enfant ?

C’est plutôt le rêve – projet que j’avais quand j’étais jeune fille. J’ai toujours aimé l’art et le spectacle sous toutes ses formes. Mon idée c’était de faire les études des beaux-arts spécialisé en scénographie.

Tu sembles souvent te déplacer à travers le monde, quel est ton plus beau souvenir de voyage ?

J’ai gardé énormément de souvenirs incroyables de mes voyages mais celui qui m’appartient le plus, parce que j’ai décidé de vivre la situation spontanément, sans la programmation, s’est passé au Canada en janvier. J’aime le froid et quand il neige je ne peux pas rester à la maison. Un soir il y avait une tempête de neige et de l’orage en même temps, ce qui est extrêmement rare. Je suis sortie et j’ai marché dans les rues, la neige tombait sur mon visage, il y avait le bruit sourd, les flocons de neige dansaient sous les lampadaires, mes traces de pieds disparaissaient immédiatement, l’air était frais et pur, la neige sentait si bon… Les lumières dans les fenêtres des maisons avaient des couleurs dorées. Dans la ville j’étais la seule personne dehors et ce sentiment était un peu effrayant et agréable en même temps. Il ne manquait que des loups. 

Nous avons assisté à la naissance de ton livre Songe de cèdre, chroniqué dans notre rubrique « Lettres » où, comme l’indique le titre, tu nous emmènes au Liban. Comment est venue à toi, cette idée de récit ?

Pendant plusieurs années mon amie libanaise me parlait de sa vie au Liban. Chaque fois quand elle partait chez elle j’étais inquiète, surtout quand c’était la période de bombardement mais au début je ne savais pas grand-chose sur sa vie d’avant car elle évitait de parler des événements graves. Ils ressortent de sa bouche parfois malgré elle, comme si elle avait oublié de les étouffer. Un jour nous avons parlé plus longtemps et à chaque rencontre j’apprenais un autre fragment de sa vie. C’est une très longue route que nous avons traversée ensemble comme je l’explique dans l’épilogue. Après, quand j’avais tous les éléments, l’histoire de sa vie, je suis restée seule avec son histoire, mon imagination et mes sentiments. 

Pendant l’écriture il se produit parfois des phénomènes qui dépassent la raison. La proportion que vous donnez de votre cœur dans la création est adéquate. Bien sûr j’avais l’histoire qui n’était pas la mienne, maintenant il fallait créer la décoration, les dialogues, animer les personnages et surtout leurs donner des sentiments et des rêves. Dans cet exemple bien précis où l’histoire est vraie il me fallait aussi réveiller des fantômes. 

Quel est ton sentiment à propos des rencontres qui concernent les héros et héroïnes de ce beau livre ?

J’ai toujours eu l’impression que dans la vie de certaines personnes le phénomène de coïncidence est toujours très présent et important car il trace leur vie et parfois il leur est difficile ou même impossible de se libérer du destin tracé. Il apparaît comme un fatum. C’est le cas des personnages dans mon livre. Marvia répète le chemin de la vie de sa mère parce qu’elle n’a pas de conscience ni de distance pour leurs situations. Sa vie est un tourbillon, un ouragan qui finalement la forme à devenir une très belle personne. Je garde toujours le contact avec elle la considérant comme une amie fidèle et bienveillante

Comment as-tu découvert ton éditeur ?

J’ai envoyé mon manuscrit à quelques éditeurs et un jour d’avril 2021 j’ai reçu un mail que tous les auteurs rêvent de recevoir :

Je viens de terminer la lecture de votre manuscrit. Celui-ci m’a fort touché et, si vous êtes partante, je serais ravi de l’éditer.”

Je l’ai rencontré plusieurs mois plus tard, au salon des Blancs Manteaux quand je suis venue dans son stand pour la dédicace de mon roman. 

Es-tu satisfaite de sa réception médiatique ?

J’ai reçu beaucoup de mails et des lettres sur les réseaux de mes lecteurs, émerveillés par mon livre. Souvent ils étaient bouleversés par cette histoire et ils m’ont posé beaucoup de questions ou ils ont raconté leurs expériences et leurs vécus similaires.  Les critiques sur les réseaux et radio étaient également très positifs. 

Après, chaque livre demande une préoccupation constante de la part de l’éditeur en collaboration avec les journalistes, les librairies et les associations culturelles. Il vaut mieux être sûr place et mon éditeur est à Bruxelles alors il faut que je me rende disponible pour plus de déplacements. 

C’est plus facile si les évènements se passent à Paris. Je serai présente entre le 8 et 10 novembre au salon de L’Autre Livre, au Palais de la Femme, 94, rue de Charonne, 75 011 Paris. Il y aura d’autres évènements dans le futur.

Est-il un projet littéraire pour l’année à venir ?

J’ai plusieurs titres à proposer et de nombreux projets qui existent déjà dans mon imagination. Il faut que je me rende disponible et que je passe à l’action ! C’est aussi question du d’énergie à donner dans la direction choisie. 

Quel serait le dicton qui te caractérise ?

Peut – être brûler les pistes ?

Ton rêve le plus fou…même s’il reste inaccessible ? Quoique !

Parcourir le monde sur les traces de mes ancêtres, pouvoir vivre cette aventure pleinement et trouver les signes de leurs présences.

(Par Mylène Vignon pour Le fil du temps opus 2

Le 8 septembre 2024)