Vienne impériale
Par Thierry Berthé
A deux heures d’avion de Paris, si tout se déroule normalement, les charmes de Vienne vous attendent et vous régaleront. Bercée par l’infinie douceur de vivre de l’Empire des Habsbourg, la cité impériale vit au rythme de son passé glorieux, de ses trésors architecturaux, de sa culture et par-dessus tout de la musique – portée surtout par le souvenir bien vivant de Mozart, Beethoven et de la famille Strauss –, sans oublier l’incontournable impératrice Elisabeth répondant devant l’histoire au glorieux surnom de Sissi.
La Famille Habsbourg a dominé l’Autriche et le Saint Empire romain germanique de 1273 à 1867 avec Vienne au cœur du pouvoir. L’Empire Austro-Hongrois, né de la défaite de l’Autriche face à la Prusse, ne fut créé qu’en 1867 par Joseph 1er et disparut à la fin de la grande guerre, en 1918. La Vienne d’aujourd’hui reste marquée par le long règne de Marie-Thérèse d’Autriche (1740-1780) et par la période impériale qui vit se construire la plupart des grands édifices qui font encore la célébrité de la capitale Autrichienne.
C’est pour une longue promenade dans ce passé impérial comme dans la Vienne contemporaine que je vous propose de m’accompagner.
Nous commençons notre visite de Vienne par le tour des grands édifices qui jalonnent le « Ring », avenue née de la volonté de François-Joseph à partir de 1850, qui ceinture l’ensemble du centre ancien de la capitale, affirmant la puissance de la famille régnante.
Au fil d’une somptueuse promenade, nous passons devant le Parlement (1874/1884) accessible par une large rampe décorée d’effigies d’historiens antiques et précédée depuis 1902 de la fontaine d’Athéna. A proximité, vers le nord, se font face le Burgtheater, célèbre Théâtre national achevé en 1888 et l’Hôtel de ville (1872/1883) dominé par son beffroi haut de cent mètres. Au sud du Parlement, le Ring est bordé des deux grands musées de Vienne situés de part et d’autre de Maria Theresien platz et sa statue monumentale : le musée d’histoire de l’Art (Kuntshistorisches Museum) et le musée d’histoire naturelle. Le « museumquartier », fort de soixante institutions culturelles est un des plus grands complexes culturels du monde. En face, l’entrée de la Hofburg, Palais impérial d’hiver, se dresse en majesté. En descendant le Ring, apparait l’opéra de style néo-Renaissance, inauguré le 25 mai 1869 avec le Don Giovanni de Mozart. Non loin s’élève la statue de Beethoven au centre d’un modeste square.
A l’intérieur de la Ringstrasse, dans le prolongement de Graben, avenue bordée de luxueux commerces et dominée par la « colonne de la peste » se dresse hardiment la magnifique cathédrale Saint Etienne. Rebâtie entre 1359 et 1440, elle conserve du 12ème siècle les tours des Païens qui dominent l’entrée principale. Sa flèche haute de 137m comme les tuiles vernissées de sa couverture marquent le paysage de Vienne. L’intérieur baroque est richement décoré, notamment la chaire et la nef centrale. Nul ne peut résister à l’envie de flâner dans les rues autour de la cathédrale qui abritent les ministères, les belles boutiques et les lieux plus intimes, comme la Schottenkirche, l’église des Minimes (14ème siècle) et sa formidable reproduction de la Cène de Da Vinci en mosaïque créée par Rafaelli pendant l’occupation napoléonienne, la ruelle de Harrof aux petites maisons pittoresques ou l’église Saint-Pierre.
Passant devant la statue de Gutenberg, on regagne rapidement le Ring pour un passage étonnant à l’université fondée en 1365. Une cour bordée d’arcades ornées de bustes d’illustres qui permet l’accès aux salles de travail, accueille les étudiants et professeurs pour y étudier ou se détendre. A proximité, une ruelle discrète mène à la maison de Beethoven au n°10. Le Ring rejoint alors les rives du canal du Danube, lieu festif branché et de promenades plus tranquilles. Il faut également profiter des nombreux parcs urbains dont le plus grand est le Stadtpark proche de l’opéra.
Entre la cathédrale et le Ring, s’étend le domaine de la Hofburg ou « château de la cour », vaste ensemble qui constituait le Palais impérial d’hiver, haut lieu du pouvoir pendant 650 ans. Aujourd’hui encore, une aile abrite la Présidence autrichienne. L’entrée principale se fait par la porte Saint-Michel menant jusqu’à la Josefsplatz où s’élève la statue équestre monumentale de Joseph II. La Hofburg accueille les « Petits chanteurs de Vienne » et la célèbre « Ecole Espagnole » et ses chevaux Lipizzans. On y visite les appartements impériaux et l’incontournable musée consacré à Sissi. En sortant, le passage devant les serres impériales conduit tout droit à la statue de Mozart, enfant de Salzbourg. Le musée qui lui est consacré occupe une des nombreuses maisons qu’il occupa à Vienne et recèle quelques trésors dont des partitions originales.
La visite du musée des beaux-arts s’impose naturellement, offrant au regard une galerie de peinture avec d’inestimables trésors, œuvres des plus grands peintres d’Europe allant de la renaissance au 19ème siècle. Il présente la collection patiemment réunie par l’Empereur François-Joseph. Un bref aperçu montre des œuvres du Caravage, Pieter Bruegel l’ancien, Rubens, Vermeer ou Archimboldo. On peut également y admirer Le Tintoret, Le Titien, Véronese, Velasquez, Van Dick, Van Eyck, Dürer et tant d’autres.
Après un bref passage devant l’église baroque Saint-Charles Borromée, alors en travaux, nous atteignons la place du marché, centre de l’expression architecturale du Jugendstil lancé en 1896. Le pavillon du métro comme les immeubles Wagner en sont de riches exemples. Le plus spectaculaire reste cependant le pavillon de la Sécession – du nom d’un mouvement artistique conduit par Gustav Klimt – érigé en 1897 qui abrite la « frise Beethoven » peinte par Klimt en 1902 et illustrant le thème de la 9ème symphonie. Il a pour voisine une étonnante statue de Marc Antoine avachi sur son char.
Un peu à l’est du centre, s’élève l’étonnant et immanquable « Hundertwasserhaus » du nom de son créateur. Réalisé en 1985, ses façades colorées abritent des appartements privés et il supporte 200 tonnes de végétation.
De retour au bord de la Ringstrasse s’élève alors le Wiener Konzert Haus, belle salle de musique très prisée des viennois, puis l’on accède aisément au château du Belvédère, résidence d’été des Princes de Savoie et à son orangerie. On y admire des œuvres de Klimt, Schiele et Van Gogh. Au plus près, se dresse le prestigieux Musikverein (1867-1869), résidence de l’orchestre philarmonique de Vienne et son célébrissime concert du nouvel an dont on dit qu’il convient de retenir sa place treize ans à l’avance!
Ce grand tour de ville accompli, il convient alors de se rendre au château de Schönbrunn qui fut la résidence d’été de la famille régnante. Construit à la fin du 16ème siècle, il fut agrandi par l’Impératrice Marie-Thérèse à partir de 1740 et n’a pas changé depuis. Se succèdent à la visite, la chapelle impériale, les appartements de François-Joseph et de Sissi, les salles d’apparat de style rococo – dont la grande galerie – et les salons où l’influence chinoise est bien présente. Les immenses jardins (Jean Trehet en 1705) proposent, en leur centre, la grandiose fontaine de Neptune et sont dominés par la Gloriette ajoutée en 1775. Au fil des allées bordées de statues d’inspiration grecque, on peut accéder au zoo (Tiergarten) et surtout à la serre tropicale construite en 1882 qui abrite une vaste collection de plantes exotiques. La visite s’achève par le musée des carrosses installé dans l’ancienne Ecole d’équitation d’hiver, au plus près du château. On y admire l’incroyable carrosse du couronnement de François-Joseph, paré d’ors et tiré par huit chevaux ainsi qu’une pléiade de véhicules somptueux dont l’étonnante luge impériale, digne du docteur Jivago.
Un peu à l’écart du Ring et non loin de l’université, s’élève la belle Votivkirche bâtie en 1856 pour marquer l’échec d’un attentat qui aurait dû coûter la vie à François-Joseph. La hardiesse de ses flèches et le dessin de ses tuiles vernissées se veulent concurrencer la majesté de la cathédrale. En route vers Grinzing, admirons le palais d’été des Princes de Lichtenstein et son joli parc.
Le quartier de Grinzing mérite pleinement une visite. L’ancien village est au cœur de la zone viticole qui occupe les collines à l’ouest de Vienne et se gagne en vingt petites minutes de tram. Ses maisons colorées, ses chemins qui se perdent au cœur des vignes ne sont qu’un prétexte à gouter le vin blanc de l’année vendu sur place autour d’un plat roboratif dans quelque « Heuriger », sorte de bar à vins traditionnel.
Nul périple entrepris à Vienne ne pourrait omettre de consacrer un temps à la visite du Prater, de sa grande roue la « Wiener Riesenrad » construite en 1896, brûlée en 1944 pour être reconstruite et offrir un quart d’heure de bonheur dans le ciel de Vienne. Le Parc du Prater propose également aux viennois de longues promenades à pied ou à vélo.
Nous achèverons cette visite par une longue promenade dans la Vienne nocturne en s’arrêtant notamment au célèbre café Sacher pour y déguster la « Sachertorte ».
Si cette présentation ne vous attire pas à Vienne illico, peut-être vous donnera-t ’elle l’envie de regarder le prochain concert du nouvel an !