TEMPO : Résonances Fractales et Battements du Temps
Par Thierry Tessier
Exposition de Maxence Doré à la Vanities Gallery
À travers « TEMPO », Maxence Doré orchestre une symphonie plastique où les notions de rythme, d’onde et de temporalité se répondent avec une éloquence quasi-musicale. Du 17 janvier au 1er mars 2025, la Vanities Gallery devient l’épicentre d’une réflexion artistique sur la coexistence entre l’humain, la nature et les mécanismes universels qui les régissent. Cette exposition, marquée par la méticulosité et la profondeur conceptuelle propres à Maxence Doré, s’inscrit dans la continuité d’une recherche où la matière devient langage et le langage, une invitation à la contemplation.
Un jeu de fractales et d’échos intérieurs
Les œuvres de Maxence Doré déploient un univers de formes fractales, ces structures mathématiques complexes qui, dans leur infinie répétition, évoquent la dynamique cyclique de l’existence. Doré ne s’arrête pas à la simple exploration formelle : chaque fractale est pour lui un écho, une résonance visuelle traduisant les oscillations de l’âme et de l’esprit.
Inspiré par Wassily Kandinsky, qui considérait que toute œuvre est l’enfant de son temps, Doré transforme ses compositions en des fenêtres sur l’invisible, reliant matière et émotion. Oscillant entre abstraction méditative et introspection viscérale, il interroge la place de l’humain face aux forces naturelles et cosmiques. Ses œuvres, à la fois miroirs de notre condition et vecteurs de quêtes spirituelles, déploient une tension entre la fragilité humaine et l’immuabilité du monde naturel.
Le Pavillon des Indes : un cadre idéal pour une réflexion artistique
Actuellement en résidence au Pavillon des Indes à Courbevoie, Maxence Doré profite de cet écrin historique pour approfondir sa réflexion sur le temps et l’évolution. Ce lieu, jadis vitrine de l’éclat des expositions universelles, se mue en laboratoire créatif où Maxence Doré, dans une ascèse quasi-monastique, explore les limites de son langage plastique. Les volumes qu’il conçoit, qu’ils s’épanouissent en encoignures d’aluminium ou qu’ils soient marqués de failles telluriques, traduisent une recherche incessante de nouvelles frontières formelles et conceptuelles.
Une démarche nourrie de lectures et de contemplation
Pour comprendre pleinement l’art de Maxence Doré, il faut s’arrêter sur l’ampleur de ses inspirations intellectuelles. Féru de philosophie, de sociologie et d’esthétique, il conçoit chaque tableau comme une carte mentale où se croisent réflexion et intuition. Les énergies qu’il capte et traduit à travers ses lignes et ses couleurs se nourrissent de sa capacité à observer le monde avec une acuité toute particulière. Les topographies qu’il peint, telles des cartes géologiques ou des réseaux hydrographiques, sont des invitations à se perdre pour mieux se retrouver.
L’entrelacs des temporalités dans l’art
Le travail de Maxence Doré s’inscrit dans une lignée artistique singulière, où des connexions subtiles peuvent être établies avec des figures moins souvent évoquées mais tout aussi fascinantes. Par exemple, Jean-Pierre Hébert (1939-2021), pionnier de l’art algorithmique, partage avec Maxence Doré une fascination pour les structures fractales. Hébert utilisait des algorithmes informatiques pour créer des dessins au tracé infiniment précis, tandis que Maxence Doré, par une démarche manuelle, infuse une charge émotionnelle qui dépasse la mécanique pure.
L’approche de Hedda Sterne (1910-2011), membre oubliée du mouvement expressionniste abstrait, est également pertinente. Sterne combinait des lignes organiques et des formes industrielles pour explorer des univers ambigus. Comme Maxence Doré, elle interrogeait le passage entre l’ordre et le chaos, mais là où elle se tournait vers la modernité urbaine, Doré puise dans la géométrie naturelle.
Un parallèle stimulant peut aussi être tracé avec Gego (Gertrud Goldschmidt, 1912-1994), artiste vénézuélienne connue pour ses sculptures en fil métallique. Ses structures délicates, entrelacées et aériennes, rappellent les motifs répétitifs de Maxence Doré. Cependant, alors que Gego donnait priorité au volume et à la tridimensionnalité, Doré conserve un ancrage pictural qui explore la profondeur à travers les plans superposés.
L’artiste espagnole Eusebio Sempere (1923-1985) apporte une autre dimension au débat. Sempere, connu pour ses compositions cinétiques, travaillait à partir de lignes lumineuses qui dialoguaient avec l’espace. Là où Sempere jouait avec la lumière comme vecteur principal, Doré privilégie la ligne en tant que vecteur d’introspection temporelle.
Enfin, Brion Gysin (1916-1986), inventeur du dreamachine et explorateur de la perception altérée, offre un contrepoint intrigant. Bien que Gysin se concentrait sur les états modifiés de conscience induits par des stimuli visuels, Maxence Doré, lui, privilégie une immersion plus méditative et moins immédiate, un voyage progressif au cœur des rythmes fractals.
Ces comparaisons révèlent que Maxence Doré, tout en s’inscrivant dans une continuité artistique, renouvelle les langages explorés par ses prédécesseurs. En dialoguant avec ces figures souvent marginales, il réaffirme la pertinence de l’interaction entre science, introspection et esthétique dans l’art contemporain.
Entre technique et spiritualité
L’accumulation de lignes, les contrastes entre courbes et angles, les juxtapositions de matières : tout, dans l’œuvre de Doré, révèle une tension entre précision technique et souffle spirituel. Ses compositions, qui requièrent des semaines de travail, témoignent d’une maîtrise rare où l’artisan rencontre le philosophe. Chaque trait est pensé, chaque texture réfléchie pour offrir au spectateur une expérience à la fois esthétique et introspective.
Un artiste en constante évolution
Depuis sa première exposition à la Vanities Gallery en 2018, Maxence Doré n’a cessé de se renouveler. De ses recherches initiales sur les lignes et les cercles à ses explorations actuelles des volumes et des failles, il affirme une volonté d’évolution constante. Son parcours, jalonné de résidences prestigieuses à travers le monde, témoigne de sa détermination à transcender les limites de son art.
L’exposition « TEMPO » est une invitation à ralentir, à suspendre le cours effréné du quotidien pour entrer en résonance avec des rythmes plus subtils. Dans cet espace de dialogue entre science et métaphysique, Maxence Doré propose une expérience unique : celle de repenser le temps non comme une succession linéaire, mais comme un battement, une pulsation où chaque instant contient l’infini.
L’Œuvre en Devenir : Horizons Philosophiques de Maxence Doré
Si Maxence Doré continue à progresser dans sa quête esthétique et intellectuelle, son avenir pourrait s’inscrire dans une démarche où l’art devient une philosophie visuelle, un langage universel capable de transcender les barrières du temps et de l’espace. En approfondissant sa réflexion sur les rythmes de l’existence, il pourrait explorer des questions fondamentales telles que la relation entre l’éphémère et l’éternité, l’ordre et le chaos, ou encore la place de l’humain face à des forces cosmiques qui le dépassent.
Dans un monde de plus en plus fragmenté, son travail pourrait incarner un retour à la contemplation et à la lenteur, une réponse aux vertiges de l’instantanéité numérique. Les œuvres de Doré pourraient devenir des espaces de méditation, des « champs de pensée » où le spectateur est invité à se confronter à l’invisible, à l’intangible. Sa pratique, oscillant entre maîtrise technique et intuition, pourrait devenir un modèle de symbiose entre le rationnel et le spirituel, inspirant non seulement le milieu artistique, mais aussi des penseurs, des poètes et des scientifiques.
En ce sens, le futur de Maxence Doré pourrait être celui d’un « alchimiste du temps », un créateur dont les œuvres matérialiseraient des vérités immatérielles, contribuant à redéfinir l’expérience humaine dans sa relation à l’universel.
Exposition « Tempo » d Maxence Doré du 17 janvier au 1er mars 2025
Vanities Gallery
17, rue Biscornet 75012 Paris
10h30-18h30
Du mardi au samedi