LA CHRONIQUE GASTRONOMIQUE D’ANTOINE BENOUARD
N°10/11 Juillet 2022
PARIS 14ème : DEUX BONNES ADRESSES
Le nom de ce petit « restau » évoque le film « bien-de-chez-nous » qu’on regarde non sans plaisir mais sans s’en vanter (1968, Film de Robert Dhéry avec Robert Dhéry et Louis de Funès). Il convient bien à ce restau – quelque part entre le quartier d’Alésia et la Gare Montparnasse – qui ne la ramène pas.
On ne le verrait presque pas, si on n’avait pas l’adresse. C’est un restau de voisins, de relations, qui voudrait presque être clandestin. Mais – t’inquiète (comme on dit maintenant) –, il se remplit vite. La carte est ramassée : pour les hésitants, c’est une aubaine. Les plats sont, comme le restau, peu ostentatoires, voire humbles, les prix idoines. L’œuf mayo est à 6 euros, le filet de harengs avec ses pommes de terre tièdes est à 8. Les plats du milieu sont à l’avenant. J’ai dégusté trois belles côtelettes d’agneau grillées aux herbes (21 euros) accompagnées de frites maison et mon ami a choisi « un rosbif-mayonnaise-garni-salade » (18 euros) comme on n’en fait plus. La carte des desserts, fortement allitérative, propose une crème caramel dont le seul libellé me fait mécaniquement craquer à chaque fois (ce doit être l’allitération en r) et un tiramisu au citron vert et framboise (encore une allitération en r, et qui plus est, un tiramisu au citron vert et framboise consacre l’alexandrin, – chacun à 8 euros) que je regrette de n’avoir pas goûté. En sus, chante une brève mais sympathique carte de vins.
L’ambiance est chaleureuse, mais là aussi sans excès. Les tables sont couvertes de nappes à carreaux, comme avant. La jeune patronne – la directrice – est partout. On pourrait bien sûr faire la grimace et critiquer en revendiquant des plats plus amples, une plus grande variété et une touche d’originalité supplémentaire, mais on ne le fait pas : ces restaus de quartier, du coin de la rue, « pas-loin-de-chez-soi », qui osent cuisiner encore, sont devenus trop rares pour titiller leur susceptibilité. Gardons-les et allons-y !
Le Petit Baigneur
10, rue Sablière,
75014 Paris.
01 45 45 47 12
Fermé samedi matin et dimanche.
Il y a au 67 avenue du Général Leclerc, face à l’église du XIXème siècle d’inspiration néo-romane Saint-Pierre de Montrouge – déjà un nom de poisson –, une institution nommée Ledreux, ou la plus ancienne poissonnerie de Paris (1908) encore en activité, qui instille de l’océan à ce bout de quartier. La poissonnerie propose à l’étal une diversité joyeuse et multicolore d’animaux aquatiques aux jolis noms – dorades, bars, rougets, soles, mérous, saumons, etc. – et de fruits de mer, l’ensemble pouvant nourrir l’inspiration d’un Chagall (pour les formes et la rêverie), voire d’un Vasarely (pour les couleurs). Depuis quelque temps, on y a installé quelques tables périphériques qui font que la poissonnerie invite à la dégustation. J’y avais découvert jadis en devanture, déposé là comme un trophée, un flétan géant d’au moins un mètre et demi dont j’avais judicieusement acheté quelques filets bien goûteux.
À la tête du navire, il y a le capitaine Lorenzo (Giovanni), un nom dans la profession, puisqu’il s’’inscrit dans une dynastie de poissonniers de père en fils. L’homme, souriant, dynamique et tonique, aux faux airs de pirate des Caraïbes, nonobstant doté d’un MBA en management hôtelier, m’explique le nouveau et inédit concept de « poissonnerie-restaurant » à Paris qu’il veut développer et qu’il expérimente depuis quelques mois : « le client choisit un poisson à l’étal et le consomme à table tout de suite après », comme dans les restaurants de pêcheurs où se pratique le service « de la mer à l’assiette ». Et voilà que le capitaine met le concept en application en allant chercher illico un « « maigre » à disposition, un gros maigre, si je puis dire, qui va vite occuper un large plat-assiette. Quelques minutes plus tard, à la petite table, en sa compagnie, je le déguste, le maigre – délicieux, simple, juste grillé ‑ entouré de frites de patates douces, associé à un petit verre de vin blanc. Et pour poursuivre la conversation – pour moi il n’y a pas de dégustation sans conversation – avec Giovanni, je lui demande quels sont ses poissons préférés. Vous ne serez pas étonné par sa réponse : 1/ le flétan géant, 2/le saint-pierre (comme l’église) et évidemment 3/le maigre – dont le rôle fut majeur dans ce déjeuner.
POISSONNERIE LEDREUX (ET RESTAURATION-DEGUSTATION)
67, Avenue du Général Leclerc,
75014 Paris.
01 43 27 20 71
Ouvert tous les jours sauf le dimanche après-midi et le lundi.
Menu à 19 euros et 90 centimes.