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LA CHRONIQUE GASTRONOMIQUE n°13

Janvier 2023 Par Antoine BENOUARD

LE « VAUDÉSIR » SONT VOS ORDRES

 

Qu’est-ce qu’un bistro ? (Ou bistrot). Ce fut d’abord le tenancier de café lui-même (« bistrote », la tenancière). Mais l’usage est vieilli. Le sens actuel de bistro(t), c’est « un café, un débit de boissons », « généralement petit et modeste », précise Le ROBERT.

De plus en plus rare, comme les bonnes manières. On dirait aujourd’hui, et bêtement, « vintage ». La connotation des bistrots de Paris, qui plus est, est auvergnate. Question d’Histoire. Le bistrot parisien est auvergnat comme le petit suisse suisse ou la bière belge. Nous allons illustrer. On en a déniché un pour la démonstration. Reprenons le premier sens, et faisons les présentations : le « bistro(t) », le bistrotier, le tenancier, enfin le taulier si vous voulez, c’est M. HANTZ (« M. HANTZ »), titre possible d’un film à réaliser) que l’on appelle Christophe, (qui ne vient pas du Massif central comme son nom l’indique) et sa complice (la cheffe) Michelle (avec deux ailes). Ils se connaissent depuis des lustres. Ils ont mené l’affaire ensemble en évitant de mélanger les genres. Abordons maintenant le second sens, le bistro(t) « petit et modeste » : « LE VAUDÉSIR » l’incarne. C’est un endroit, comme on n’en fait plus, où l’on se serre les coudes entre deux verres de Muscadet, de Chablis (cru « Vaudésir ») ou de Beaujolais, posés très transitoirement sur le (beau) zinc, et où l’on rappelle à la terre entière que l‘on existe quand même, malgré la rue DAREAU qui ne fait spontanément ni dans la joyeuseté ni dans l’euphorie. Et si l’on passe à table, les tables rapprochées s’écoutent. Elles sont empathiques, elles conversent. C’est un bistrot d’hiver, quelle que soit la saison, quand le cœur a froid.  Ce soir-là de janvier, le bistro(te) était plein (il vaut mieux réserver). On y voyage aussi, le plat du jour était une spécialité de tripes à l’algérienne. Pas besoin d’aller à Bab-El-Oued, juste se rendre rue Dareau, c’est plus pratique. Plutôt bien agencée, la tripaille aux pois pas si chiches que ça, et dans un rapport qualité-prix qui fait un pied de nez à l’inflation (8,70 €). On avait en amont introduit le buffet par des huîtres du Cotentin N°3 livrées au patron en main propre (9,90 € les six). Fruitées, fines, excellentes, nous fûmes contents des contentines. Et aussi par la terrine que le patron him-self a concoctée (4,50 €), un chef d’œuvre de je ne sais quel haché farci de cèpes (rien à voir avec la conserve). M. HANTZ est l’homme des Terrines, comme le Troglodyte des cavernes et le Belmondo de Rio. Nous terminâmes par du fromage, du Saint-Nectaire, à la pointe et à point, du bleu suavement incisif, délivrés en circuit court jusqu’à l’assiette (5€). Le tout fut dès le départ arrosé d’un Bourgogne aligoté, rimailleur à la blanche parure qui ne cessa de faire des verres. Écrire un article sur cet établissement relève autant d’Épicure que de l’acte militant. Il faut protéger les espèces en voie de disparition. Les bistrots sont comme les abeilles ou les éléphants. Levons le poing et même la virgule. Enjoy !

 

Le Vaudésir
41, rue Dareau
Paris 75014
Tél. 01 43 22 03 93