Arnaga chez Edmond Rostand
Par Thierry Berthé
C’est sur les instances de son médecin, originaire du Pays-basque, qu’Edmond Rostand s’y installa au début du siècle dernier afin d’y ménager ses bronches fragiles et de guérir une pleurésie contractée pendant les répétitions de l’Aiglon. Curieuse option, vous en conviendrez de rallier un des lieux les plus arrosés du pays. Le plateau de Valensole aurait sans doute prolongé notablement son existence. Mais l’eût-il autant inspiré ?
Justement séduit par la contrée et notablement enrichi par le succès de “Cyrano de Bergerac”, dès 1903 il achète une trentaine d’hectares à Cambo les Bains pour y bâtir la villa de ses rêves, qui s’avérèrent grandioses. Il mandata l’architecte Joseph-Albert Tournaire et fut très attentif aux plans, aux éléments de décor comme aux travaux. La Villa Arnaga – dotée du confort dernier cri : chauffage central, électricité, salles de bain – ouvre ses portes en 1906 au cœur d’un parc paysager de sept hectares. Avec ses 1500 m2 de planchers elle propose 40 pièces sur trois étages. Son architecture copiant le style des vénérables maisons labourdines, inspira dès lors la construction de la presque totalité des villas de style néo-basque qui peuplent la côte d’Hendaye à Bayonne, à l’exception notable de Biarritz, davantage versée dans le style “Art déco”.
Installé avec son épouse Rosemonde Gérard dont les portraits abondent dans nombre de pièces, il y écrivit notamment Chantecler.
A sa mort prématurée en 1918, la succession dispersa le mobilier, la bibliothèque et surtout les panneaux peints en laque de Coromandel. Propriété de la commune depuis 1960, celle-ci s’attache à reconstituer l’atmosphère des lieux, ouvrant le parc, le rez-de-chaussée et, depuis quelques années, le premier étage.
Commençons la visite par le Parc à la Française. Face à la villa, une pergola domine une terrasse donnant vue sur les pièces d’eau. Elle est agrémentée de kiosques. Au fil de la promenade, les pièces d’eau se succèdent, le canal, le grand bassin et conduisent à l’orangeraie caractérisée par un oculus géant. Près d’une pergola, le « coin des poètes » abrite les bustes de Cervantès, Victor Hugo et Shakespeare ! Une roseraie et quelques topiaires ménagent une transition vers la terrasse.
Le rez-de-chaussée dévoile une enfilade de pièces grandioses ; le salon de réception où se tenaient des spectacles, la coursive servant de lieu de déclamation ou de musique. Les décors y furent peints par La Touche.
Le grand bureau, richement décoré et, où plane l’ombre de Cyrano ; lieu d’inspiration pour Edmond Rostand, la salle à manger de taille modeste – car l’auteur recevait souvent mais n’aimait guère inviter à dîner. Elle révèle la forte présence de Rosemonde qui le quitta pourtant faute d’aimer les lieux. Le petit bureau qu’il utilisa plus fréquemment au fil des années, la cuisine de service, reliée à la grande cuisine de préparation au sous-sol, à l’aide d’un monte-charge électrique.
Le premier étage dessert de belles chambres : celle du maître des lieux et sa salle de bain, deux chambres plus modestes et utilisées par les enfants ; un salon boudoir privé ou trône fièrement une machine à écrire ; l’enfilade d’une antichambre, d’un boudoir et d’une belle chambre tous réservés à Rosemonde Gérard ; une grande pièce – où il recevait en privé – et donnant sur l’arrière du parc à l’anglaise, propose sur ses quatre murs une étonnante présentation peinte des contes de Perrault, sans oublier l’horloge avançant de deux heures pour mieux congédier les visiteurs.
Le retour au rez-de-chaussée par un escalier donnant dans le hall d’entré, permet d’apercevoir la pièce de jeu réservée aux enfants, agrémentée de décors de Hansi.
Après être passés derrière la maison, permettant d’apercevoir la cuisine de préparation et la belle façade ouest, nous quittons les lieux en traversant de nouveau le parc. Arrêtons-nous un instant aux écuries, dissimulées aux yeux des promeneurs par le mur de la pergola et méditons le souvenir de la belle époque.
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