Regards

Barbara

Par Pascal Aubier

On parle beaucoup de Barbara ces temps-ci. On la voit et on l’entend partout. Anniversaire de sa mort oblige. Je ne sais pas – et ne crois pas – que ce soit ce qui ait donné l’idée de son film à Matthieu Amalric. Son film est un vrai film, pas une commémoration. L’hommage est clair, mais c’est aussi celui que l’auteur rend à son actrice, Jeanne Balibar. Hommage aux femmes, à ces deux femmes, au cinéma. Un film délicieusement intelligent et subtil. Dans lequel on se laisse entraîner. Comme dans la danse. Les images tournées par Amalric interpénètrent les archives qu’il a réunies. Elles s’interpénètrent, se mélangent et chantent en chœur. De quoi s’agit-il ? Un cinéaste réalise un film sur la chanteuse Barbara qu’il adore manifestement. Il a l’air d’adorer tout autant l’actrice qui incarne ici la chanteuse, Jeanne Balibar. Mais ça, ce n’est pas le talent, c’est l’amour. L’amour – comme la plupart des passions – est le moteur du cinéma. Du cinéma qu’on aime. Le cinéma, le mouvant et l’émouvant, crée l’illusion de la vie. Il nous fait croire aux histoires et aux personnes qui se meuvent sur l’écran. Il nous fait voir. Il nous fait croire. Il nous entraîne et nous fait rêver. Comme dans la danse dont je parlais plus haut. Un principe de plaisir. Et ici, Amalric excelle. Il se plante lui-même, confus à l’extrême, totalement investi, en metteur en scène qui tire les fils, qui fabrique, mais qui est aussi fasciné, dépassé, éberlué.

Jeanne Balibar est comme une fée. Une fée Barbara et la fée d’elle-même qui brille dans le noir. À la fin du film, on a envie de le revoir. Ce que l’on a fait. Avec un bon petit lot de spectateurs peu avares de leur bonheur. Je ne suis pas critique de cinéma, juste client. J’ai entendu Mathieu Amalric avouer qu’il devait beaucoup à Otar Iosseliani, le cinéaste Géorgien établi en France. Cela ne paraît pas évident quand on voit leurs films – respectifs – mais ce que l’on doit à un maître n’est pas de le singer, juste de vous donner le grand goût des choses. Iosseliani est un sacré donneur de goût. Amalric est bien inspiré. Allez voir son film. Vite.