Carole Chabry , Soprano
Un sillon vers le ciel
Carole, c’est d’abord une belle présence, qui annonce une voix. Une grande voix.
Nous nous sommes rencontrées lors de la performance picturale de l’artiste plasticien Jean-Claude Bertrand, au Centre Culturel du Ministère des Finances de Bercy. Je me suis immédiatement sentie en famille d’âme avec cette jeune femme à la sensibilité visible jusque dans les silences. Quelques jours plus tard, sur la banquette d’un grand hôtel parisien, elle se prêtait avec la même générosité à cet entretien pour Saisons de Culture.
S de C : Chère Carole, bravo pour cette prestation vocale très en phase. J’ai senti le public réellement ému. Vous étiez-vous concentrée sur les œuvres disposées en écrin, avant votre intervention ?
C C: Mon attention était surtout fixée sur ce totem en plexiglass qui me faisait face, lequel, tel un chef de choeur, modulait mes sensations par ses nuances tout en transparence. L’ensemble qui m’entourait me troublait un peu par son éclectisme, mais ce n’est en aucun cas un reproche, j’ai seulement besoin de zones silencieuses, pour poser ma respiration.
S de C : Aviez-vous déjà travaillé en duo avec un peintre ?
C C: Non, c’était une première, mais j’entends bien réitérer l’expérience ! D’ailleurs, un projet se dessine à la Madeleine de Paris, avec le peintre Karls, en faveur des enfants malades du cancer, en juin prochain.
L’artiste lyrique nuance ses sons comme le peintre avec sa palette. Les émotions sont des couleurs qui ne peuvent que se rejoindre en une composition harmonique.
S de C : Est-il une couleur avec laquelle vous vous sentez à l’aise, plus qu’avec d’autres ?
C C: Le bleu pour apaiser et bien sûr, le rouge pour l’énergie. Mes notes les plus aigües correspondent selon ma définition chromatique à la couleur rouge.
S de C : Comment l’idée vous est venue d’associer votre voix au secteur industriel, vous qui êtes Premier Prix du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris ?
C C: J’ai créé ma structure Espace vocal en 2004 – déjà dix ans- ! Le but étant de faire rayonner l’Opéra à tous les publics à travers des spectacles, conférences et Sons et Lumières. Et par ailleurs, de diffuser des cours d’art lyrique. Par la suite, j’ai été plébiscitée par de grandes entreprises afin de metre à leur services mes talents de compositrice en vue de leur créer une Identité Sonore qui fasse entendre leur image
S de C : Quelles sont vos références artistiques les plus impactantes ?
C C: Mon coup de coeur, Francis Poulenc – le Dialogue des Carmélites que j’ai moi-même interprété. Un modèle, Mirella Freni ! La gestion du souffle de Pavarotti…
S de C : Aragon disait : « Il faut creuser des galeries vers le ciel ». A l’écoute de votre organe vocal si sensible et tellement maitrisé, je m’étonne qu’avec seulement deux cordes vocales, on puisse développer une palette de vibrations sonores aussi étendue et aussi élevées. On ne peut qu’imaginer le travail au quotidien!
Quels sont vos projets les plus audacieux, chère Carole ?
C C: Continuer à développer au mieux Espace Vocal, continuer les concerts et les associations avec d’autres disciplines artistiques comme la peinture ou la danse, me tourner vers l’impact du son via les neurosciences, en m’entourant de personnalités de l’univers médical dans une quête de recherche commune. En ce qui concerne les entreprises, faire comprendre à chaque dirigeant que sa société a une histoire à raconter et que cette histoire peut être traduite en musique !
S de C : J’ai envie de conclure cet entretien, après vous avoir souhaité le plus grand succès pour la suite de tous ces projets altruistes et vous avoir adressé tous mes remerciements pour les instants de pure beauté partagés à Bercy, en vous offrant cet extrait d’un poème de Victor Hugo : Je respire où tu palpites
« Tu portes dans la lumière, tu portes dans les buissons
Sur une aile ma prière, et sur l’autre mes chansons (…) ».
Mylène Vignon