Danse avec les couleurs
Par Marc Albert-Levin
Dans une toile d’Hélène Jacqz, comme dans une improvisation de jazz, tout se joue dans l’instant. Tout est une question de tempo.
C’est toujours le jeu de quitte ou double. Quitte, ce ne serait qu’une trace de peinture sans signification. Un son neutre, sans éclat, sans écho et sans vibrato. Double, c’est gagné. C’est un envol, un jaillissement, une floraison : un geste large qui propulse le regard d’un angle à l’autre du tableau. Le spectateur est dans la position d’un surfeur glissant adroitement au creux de la vague, une seconde avant qu’elle ne se pulvérise en un milliard de gouttelettes étincelantes.
La peinture d’Hélène. Jacqz tient de la danse et de l’acrobatie. Et comme dans ces deux disciplines, la maîtrise ne s’obtient que par le long apprentissage d’un métier. Dans son cas ce furent successivement les Beaux-Arts à Paris et la Parson School à New York. Mais ensuite, c’est la pratique assidue de la peinture qui l’a menée vers de nouveaux rivages. Elle n’est pas partie à la recherche d’huitres perlières ou d’espèces aquatiques rares dont on pourrait craindre l’extinction Mais elle a voulu peindre, jour après jour, toile après toile, des tableaux capables d’éveiller de nouveaux échos, en elle comme en nous.
On pourrait croire qu’elle a pris pour elle (qu’elle a pris pour aile) le conseil que donnait Nicolas Boileau aux poètes:
Hâtez-vous lentement et sans perdre courage
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage
Polissez-le sans cesse et le repolissez
Ajoutez quelquefois et souvent effacez.
Mais en pensant à sa peinture, on pourrait aussi modifier le titre de « l’Art poétique » pour l’adresser aux peintres:« Avant donc que de peindre, apprenez à danser ! »