François – Xavier Fagniez
Par Alin Avila
Qu’est-ce que le vivant et comment le dire ? Le frémissement d’une peau, le chatoiement d’un élytre, l’humidité d’un regard… Qu’est-ce qui fait monde et comment le dire ? La peinture et le peintre en singe jouent des attributs des apparences, pour les quémandeurs d’images. Dire le vivant revient à la prouesse d’agir sur la logique des instants, faire qu’ils continuent à couler tout en se maintenant sur un point d’arrêt qui serait l’œuvre.
Je m’explique : ce qui nous leurre d’une présence maintenue (Regardez comme cela semble vivant !) ne tient pas à la représentation, mais aux gestes qui la conduisent. Voyez comment l’artiste – le vrai – ne s’encombre pas des contours et des apparences mais se soucie avant tout du matériau.
Poser votre œil sur un bout de Vélasquez – tiens, cet étonnant portrait de Démocrite, au musée de Rouen! Il nous révèle tout du doute et du plaisir que la peinture produit. “Nous ne savons rien, la vérité est au fond du puits” affirme le philosophe en montrant d’une main pataude un globe terrestre.
Prêtons plus d’attention à sa revêche manière de peindre. Ici, peindre n’est que peinture, jamais faire le beau avec de faux semblants.
Vélàsquez est sans doute celui qui s’est joué le plus des prescriptions figurables, pour aller jusqu’au magma pictural.
Ce qui vit, ce qui se maintient vivant, c’est ce qui au fond du puits n’est qu’une boue de substances mélangées qui atteint la grâce quand une main s’en joue.
François-Xavier Fagniez ne s’intéresse pas aux hommes, non qu’il les ignore, mais il s’en protège comme Démocrite dans l’enclos de son jardin. La peinture est ce lieu où il pose des équivalences au vivant et aux forces qui le traversent (le vent, la pluie, les pétales et les nuages qui se déchirent pour se reformer là-bas, là-bas…).
Politesses et déférences face aux moteurs de la nature, aux actes répétés des saisons, des couleurs des tempêtes et des fenaisons. qFagniez sait avant tout la laisser, la peinture. La laisser à elle-même. Et bien que ses œuvres paraissent gestuelles, aucune brusquerie. La main ne se devine qu’en suggérant des rythmes, ou quand elle offre une direction à la matière, qui n’a pas besoin de l’artiste pour emmêler ses tons et qui n’a pas non plus besoin de lui pour couler de toutes ses eaux. Mais, par lui, sans que jamais elle ne soit violée, la matière est peinture.
Maître d’incertitudes en majesté, Fagniez, d’œuvre en œuvre, étend une pensée visuelle qui justement ressemble à l’expansion continue et toujours changeante du vivant, mais sans pathos.
Préserver le vivant n’est-ce pas laisser la vérité au fond du puits ?
François – Xavier Fagniez est né en 1936 dans les Pyrénées. Il vit entre les Landes et la Brie, toujours au milieu de la nature qui est son inspiratrice.