Regards

Pendant le Covid 6. Un Roi à New York

Par Pascal Aubier

L’autre nuit que je ne dormais pas – on dort tellement ces jours-ci – j’ai cherché un film à voir sur les chaînes cinéma de la télévision et suis tombé sur Un Roi à New York le dernier film de Chaplin avec Charlie Chaplin lui-même dans le rôle-titre. Je ne l’avais pas vu depuis sa sortie en 1957. Je n’étais pas grand alors, c’est ma maman qui m’y avait emmené, qui adorait Chaplin. Moi aussi. Mais certains trucs m’étaient passés un peu par-dessus la tête. L’autre nuit j’ai été bien heureux de le revoir. Et de tout comprendre.
Charlie Chaplin, l’un des plus grands auteurs de tous les temps. Et soudain, après tous les Charlot et autres Verdoux, il surgit en homme de soixante-huit ans, toujours beau, qui débarque à New York, le cheveu blanc, élégant comme un Roi que la Révolution a chassé de son pays, l’Estrovie. Il y a l’Australie, au sud, l’Ouestralie, quelque part dans nos cultures occidentales et la Norlutte qui vient de là-haut. Là-haut ? À New York il fait la connaissance d’une belle journaliste qui s’amuse de lui et abuse de sa naïveté. Le roi est alors contraint de faire de la publicité pour gagner sa vie. Voilà pour l’histoire. Qui n’est pas très importante.
L’essentiel c’est qu’il rencontre le jeune Rupert, un petit garçon d’une grande intelligence (Michael Chaplin, le fils même de Charlie et génial lui aussi) dont les parents ont été arrêtés parce que communistes. On découvre donc que Chaplin est en train de régler ses comptes avec une Amérique coupable de chasse aux Sorcières (organisée par la Commission des Activités Anti-américaines) dont lui-même même avait été la victime et le contraint à s’exiler. Le film a été tourné à Londres, car en 1957, Chaplin risquait la prison s’il remettait les pieds aux USA. Il fallut attendre que les États-Unis rendent enfin hommage à leur fils adoptif honni lors de la cérémonie des Oscars en 1972. (United Artists, Société fondée par Chaplin lui-même, refusa de distribuer Un Roi à New York, qui sortit finalement 15 ans plus tard dans une version censurée) En voyant le film, on songe évidemment aux époux Rosenberg accusés d’espionnage au profit de l’URSS,dont la condamnation à la peine de mort fut l’un des hauts faits célèbres de cette triste période.
La rencontre humaine entre le Roi et Rupert change profondément le séjour de Sa Majesté, puis sa vision de l’Amérique, puisqu’il se retrouve vite accusé lui-même de sympathies communistes. Le film marche très bien même si d’aucuns trouvèrent les effets autour de la tragédie vécue par l’enfant, un peu appuyés. Moi, ça m’a fait aimer Chaplin de plus en plus. Je me suis souvenu d’un truc étonnant que je venais de voir dans un documentaire sur Hitler en famille : le film préféré de ce salopard, c’était Le Dictateur du juif-communiste Chaplin… On n’arrêtera jamais de s’ahurir…