Regards

Prix de l’Ermitage

Par Martine Boulart

LE PRIX D’ART CONTEMPORAIN DE LA FONDATION DE L’ERMITAGE 2018

Le prix de l’Ermitage a été attribué cette année 2018 à Dongni Hou, qui rejoint Esther Ségal, dans l’élan de cette prestigieuse épopée.

L’ambition du Prix de l’Ermitage

 Tout d’abord un grand merci à Alexandra et Claude Fain pour leur accueil dans cette jeune foire de haute qualité, j’aime cette foire créée par un père et sa fille, je suis très touchée et honorée par votre invitation.

Monsieur Raffarin m’a demandée d’excuser son absence car il est retenu au Japon pour la passation de pouvoir de l’Empereur avec son fils. Ainsi que son directeur de cabinet Serge de Gallaix. Je les remercie chaleureusement d’avoir obtenu le passeport talent de Dongni.

Merci aussi à vous artistes, journalistes, institutionnels d’être présents  dans cette grande famille de l’Ermitage qui honore ce matin la 5e lauréate de notre prix…

J’appelle à mes cotés Maia Paulin, Claude Pommereau, Nicolas Normier, Pascale Lismonde, Olivier Masmonteil, Esther Segal, Philippe de Boucaud, Valerie Honnard…

Le maire de Garches qui s’est associé à notre prix.

Je remercie chaleureusement François Cheng qui ne peut être présent mais qui m’a assurée par courrier « être en communion avec le rayonnement de notre fondation qui ranime l’esprit des salons ».

Je remercie ma consœur et amie Sandra Hegedus, fondatrice du prix Sam Art Project pour sa présence rayonnante, je ne peux que citer ses mots : «  nous ne sommes pas si nombreux à soutenir les artistes, alors je viens pour toi ! »

Egalement Sonia Perrin, la fille du parrain de la Fondation.

Comme vous le savez, le Fonds culturel de l’Ermitage, que j’ai créé, qui est parrainé par le Ministère de la Culture et par Alain Dominique Perrin, et fut inauguré par Jack Lang en 2014, a pour mission de mettre en évidence des travaux d’artistes de culture francophone et citoyens du monde, de toutes disciplines, s’engageant pour dépasser les crises de notre monde contemporain.

Comme vous le savez aussi, le Fonds repose sur une identité se caractérisant par deux axes : l’esprit des salons et l’art anthropocène.

L’art anthropocène n’est pas un courant artistique mais un cadre de réflexion écologique que je poursuis depuis mon enfance de fille de diplomate, dans mes programmes à HEC et aujourd’hui dans la fondation.

L’esprit critique des salons qui a débouché sur la révolution se joue aujourd’hui au niveau de la planète, et il est certain que ce n’est pas la planète qui est menacée mais l’humain sur cette planète, c’est pourquoi ma réflexion écologique est d’abord psychologique.

Comme vous le savez enfin notre devise  depuis la création il y a 5 ans se propose de ré-enchanter l’univers des formes, comme le proposait Roxana Azimi dans son dernier éditorial du Quotidien de l’art…

Je lisais dernièrement le livre d’un ami, Didier Houssin, ancien directeur général de la sante, « Soignons la science » et je ne pouvais m’empêcher de faire un parallèle avec l’art. La science est malade de gigantisme, de démesure, de narcissisme, d’excès de médiatisation et de financiarisation, d’antisciences…Et pourrait se soigner par l’éducation à la rigueur, à l’humilité à la recherche de beauté et de vérité…

C’est pourquoi, notre objectif, parce que, depuis l’ère industrielle, l’initiative privée doit de plus en plus soutenir l’intérêt général, est d’une part de s’investir dans l’éducation au gout dans la culture de notre temps,  et d’autre part de se différencier de la financiarisation ambiante qui nous semble être une dérive de l’art, dans une optique d’authenticité.

L’ambition de la Fondation est de sélectionner chaque année un artiste francophone, émergent, manifestant une cohérence de carrière afin de rendre visible la diversité de la création contemporaine dans le monde.

Ce prix est organisé en partenariat avec de grandes institutions comme Asia Now, Art Paris, la MEP, l’Institut du Monde Arabe, le Centre Pompidou, le Sursock Museum…
Il donne la parole à une diversité d’ acteurs du monde de l’art : artistes, collectionneurs, critiques d’art, professionnels du monde de la culture…

 Les critères de jugement des artistes pour les nominations reposent sur trois axes:

  • Art anthropocène : Les œuvres privilégiées ont une connotation planétaire et environnementale, une dimension citoyenne responsable et une dimension humaniste.
  • Esprit des salons : L’accent est mis sur des rencontres intellectuelles, croisant les disciplines et œuvrant pour un renouvellement de la pensée critique sur l’art contemporain.  Il s’agit d’être un artiste de dialogue : Photo et anthropologie avec Claude Mollard, Sculpture et poésie avec Charles Serruya, Peinture et neurologie avec Olivier Masmonteil, peinture et philosophie avec Dongni Hou…
  • Techniques : Aucune n’est privilégiée : dessin, peinture, photo, vidéo ou installation. Mais dans l’état de démarrage de la Fondation, il est préférable de s’attacher à des « œuvres légères ».
  • Le comité artistique d’origine:
    • Björn Dahlström : conservateur du musée berbère au jardin Majorelle de Marrakech
    • Denyse Durand Ruel : collectionneur, écrivain d’art
    • Hervé Griffon : directeur  du FRAC Pays de Loire
    • Laurent Lebon : président du musée Picasso
    • Jean Hubert Martin : ancien directeur du Musée national d’art moderne
    • Jean Luc Monterosso : Directeur de la MEP

    Auquel se sont ajoutés :

    • Maia Paulin : directeur des éditions Paulin
    • Claude Pommereau : Directeur de Beaux Arts Editions
    • Nicolas Normier : Architecte
    • Teddy Tibi : Directeur d’Art Absolument
    • Philippe de Boucaud

    Les modalités du prix:

    • Une exposition aux Vallons de l’Ermitage. Une publication avec Beaux-Arts Editions. Une médaille de la ville de Garches et un diplôme Ermite.
    • Une présentation lors d’une conférence de presse dans une grande institution.
    • Une donation- exposition dans un grand musée d’art contemporain.
    • Un événement international en partenariat avec l’Institut Français.

    Les éditions : 

    1ère édition, en 2014, décernée à Claude Mollard
    2ère édition, en 2015, décernée à Kimiko Yoshida
    3ère édition, en 2016, décernée à Nicolas Lefebvre.
    4ère édition, en 2017, décernée à Esther Ségal.
    5ère édition, en 2018, décernée à Dongni Hou.

    Merci à la Mairie de Garches, qui célèbre avec cette médaille les artistes et intellectuels de la ville, artistes et intellectuels  qui ont tous été invités par ma famille aux Vallons de l’Ermitage.

     De l’âme par Martine Boulart

    Je suis heureuse de vous présenter cette dix-septième exposition, toujours plus en accord avec la mission que se fixe l’Ermitage. Il s’agit bien, loin des modes et des valeurs de dérision de l’art contemporain, de s’attacher toujours, par le biais de l’art, à un « supplément d’âme » à la recherche d’une « force d’âme ».

    « Parlez-moi de l’âme »…Votre phrase : « Sur le tard, je me découvre une âme », je crois l’avoir dite à maintes reprises moi-même. Mais je l’avais aussitôt étouffée en moi, de peur de paraître ridicule. Tout au plus, dans quelques-uns de mes textes et poèmes, j’avais osé user de ce vocable désuet, ce qui sûrement vous a autorisée à m’interpeller. Sous votre injonction, je comprends que le temps m’est venu de relever le défi… » Nous dit François Cheng, répondant à son amie.

    S’agit-il d’un vocable désuet ou d’une vérité intemporelle ? Devant une telle contradiction, nous sommes invités à méditer.

    Imaginez la solitude que ressent une cantatrice face une salle vide, ou le désarroi d’un vieillard lisant une page blanche, ou encore la tristesse d’un couple pleurant face à un oignon épluché…

    Ainsi vont les thèmes que Dongni Hou soumet à notre regard,  à travers les gris de sa palette, elle illumine la grisaille de la vie, elle  met en scène des situations qui traquent l’illusion ou la vérité, le temps ou l’éternité, la lourdeur ou la légèreté avec des symboles comme le crabe-vicissitude de la vie, le cactus- épreuve de la vie, le sanglier part animale de tout être humain…

    Dongni part d’une émotion, d’une incompréhension, d’une réflexion pour élargir sans cesse la palette de ses sentiments et progresser à la fois dans sa dimension spirituelle, dans sa compassion envers le monde et à la fois dans le recul par l’ironie critique pour dépasser les drames quotidiens.

    Sa peinture, ni classique ni abstraite, cherche toujours le moyen pour vibrer au plus près d’elle-même. A travers une vision juste du destin humain au sein de l’univers vivant, elle est à la fois un murmure du cœur et une pensée visuelle…Nostalgique sereine, elle avance guidée par des protecteurs intérieurs pour s’accorder avec l’âme du monde qui aspire à la beauté et à la lumière…

    Je ne peux m’empêcher de penser à la démarche de Jung qui a si bien parlé de l’âme, de l’animation de notre corps par le désir de vivre,  à travers les notions d Archétypes, d’image ancestrale porteuse d’énergie, d’Ombre différenciée pour atteindre sa lumière,  d’animus, part masculine de la femme et d’anima, part féminine de l’homme.

    A une poétesse, Miss Miller, qui lui faisait part de ses fantaisies et rêveries et des associations qui en découlent, Jung déroule dans les métamorphoses de l’âme,  une analyse psychanalytique de son amie, en apportant un éclairage en fonction des mythes abordés par la poétesse car la mythologie est une description symbolique du monde à portée universelle.

    Les mythes dominants qui habitent Dongni semblent être ceux de  la légèreté et de la lourdeur, de Mercure et de Saturne. Son Animus est cérébral,  il la guide sur un chemin ou elle trouve un équilibre mi ludique mi tragique, c’est ainsi qu’elle danse en disant sa peine…

    Dongni fut formée à l’exigence de l’Académie russe des Beaux Arts, elle traverse sa vie avec sincérité, son art exprimant et traçant son chemin de vie, la peinture devenant miroir de sa réalité intérieure.

    Comme François Cheng, elle sait que nous avons le privilège de voir, elle croie aussi que si le voir n’était pas à l’origine, nous ne serions pas capables de voir,  elle reconnait en toute humilité que le visible comme l’invisible est vu par quelqu’un qui est à la source, c’est ainsi que l’univers est en devenir et que nous le sommes aussi.

    Comme François Cheng, elle se rappelle d’un chant de l’âme :

    Un iris
    Et tout le créé justifié
    Un regard
    Et justifiée toute la vie.

    Ma chère Dongni,  je t’offre ce matin, en ce moment rare de l’art contemporain, cet ermite de papier et en alliance avec le maire de Garches, cette  médaille qui célèbre avec toi les artistes de la ville, artistes qui ont tous été invités par ma famille aux Vallons de l’Ermitage.