Regards

UN VOYAGE A BRUGES

Par Thierry Berthé

Bruges, surnommée la Venise du Nord, bien que les automobiles y soient largement admises, demeure un joyau des Flandres dont les mille feux nous attirent épisodiquement. Je vous propose donc de vous plonger ou replonger dans son incomparable patrimoine et de partager l’atmosphère particulière et intemporelle de ses rues, canaux discrets, édifices somptueux et musées remarquables, en jouant à cache-cache avec les touristes du mois de juin.

Après les premiers canaux gardés par la maison de l’éclusier et surveillés par les calèches stationnées au long de la Wijngaardplein, nous amorçons cette longue promenade par l’incontournable et paisible “Béguinage princier de la Vigne” fondé au Moyen-âge et reconstruit au 17ème siècle. Le grand jardin de verdure, parsemé de peupliers et ceint des belles maisons blanchies incite le visiteur au recueillement et à la contemplation. L’église du Béguinage est en pleine harmonie avec l’instant.

Quelques rues au-delà, se dresse l’important groupe de “Maisons-Dieu” de Meulenaere, bâti en 1613, habitat social avant l’heure alors que Bruges traversait une longue période d’appauvrissement. Groupées autour d’un jardin fermé, leur modestie et leur beauté ont traversé les âges. Notre parcours longe de belles façades, la dernière maison-Dieu de 1713 et l’unique brasserie de Bruges, pour atteindre la cathédrale Saint-Sauveur dont la flèche puissante partage le ciel de Bruges avec celles du Beffroi et de l’église Notre-Dame. Construite du 13ème au 15ème siècles, elle recèle quelques merveilles dont son chœur où, sous les blasons des chevaliers de la Toison d’Or, trônent 48 stalles gothiques surmontées de somptueuses tapisseries de Bruxelles (1731) dues à Van Orley. La rue Oude Burg et ses belles façades à pignons des 16ème et 17èmes siècles mène au Markt, place centrale de la cité depuis le 10ème siècle.

Il est dominé par le Beffroi dont la forme actuelle remonte à 1482 ; point d’orgue du système défensif brugeois il procure aujourd’hui le bonheur d’un incomparable récital de carillon donné par 47 cloches. Les halles, datant de la fin du 13ème siècle, en sont indissociables et ferment la cour arrière de la tour. Côté est, le Palais provincial propose sa belle façade néogothique.

 

A l’est du Markt, portons nos pas vers la Bruges hanséatique habitée au Moyen-Age par les marchands de la Hanse et les courtiers des nations commerciales. La Rei – rivière navigable qui desservait les entrepôts – est toujours bordée de belles maisons bourgeoises. La Place Van Eyck, ornée de la statue du maître, reste le cœur du quartier. Elle est dominée par la “Loge des Bourgeois” et sa tourelle, comme par l’ancien “Tonlieu” son voisin où étaient perçus les droits de douane.

 

Par des ruelles pittoresques, nos pas nous rapprochent de l’Hôtel de ville dit “le Burg” en souvenir de la forteresse disparue de Beaudoin “Bras de Fer” bâtie en 865 pour se protéger des Normands. Lancé en 1376, c’est le plus ancien édifice civil de Flandre. Fenêtres étroites, niches à baldaquin, balustrades crènelées et tourelles en encorbellement rythment sa somptueuse façade, illuminée par le coucher du soleil. Contigüe au Burg, la Chapelle du Saint-Sang, basilique depuis 1923, abrite la relique éponyme au cœur d’une impressionnante décoration néogothique. La basilique surmonte la discrète chapelle romane de Saint-Basile construite en 1139 qui abrite de très réalistes sculptures sur bois.

 

La traversée d’une autre maison-Dieu nous permet de rejoindre l’ancien hôpital Saint-Jean, construit en briques à la fin du 17ème siècle. Il fut une institution de bienfaisance à la période bourguignonne. Il abrite le splendide musée Memling qu’une longue période de travaux empêche de visiter. Lui faisant face, l’église Notre Dame, bâtie de 1290 à 1549, se partage entre le culte et un remarquable musée. Charles le Téméraire y présida le 11ème chapitre de la Toison d’Or en 1468. On y admire notamment le grand tryptique de la Passion et la Crucifixion (Van Orley et Marcus Gerard en 1561), les tombeaux de Marie de Bourgogne et de Charles le Téméraire et une magnifique Vierge à l’Enfant de Michel-Ange. Entre l’église Notre-Dame et le Markt, suivons la rivière Rei et longeons ses quais : le Dijver, le Steenhouwersdijk et le Greenerei. Le regard se porte alors sur de charmants ponts, dont le Gruuthuse, sur de beaux hôtels particuliers avec le Burg en toile de fond. A la tombée du jour, la promenade est une des plus belles de la cité. Elle permet de rejoindre, par des ruelles pittoresques et peu fréquentées, le musée Groeninge qui abrite les plus belles œuvres des primitifs flamands exposées à Bruges, dues à Vander Weyden, Jan Van Eyck, Jan Provoost ou Hans Memling.

 

Notre visite, bien incomplète, s’achève par une incursion au Minnewater, appelé “Lac d’Amour”, lieu de la légende des amours malheureuses de Minna et de Morin Stromberg, sans oublier un passage obligé par l’un des moulins, nombreux aux alentours de la cité.

Espérons ensemble qu’elle vous aura donné envie d’accomplir le voyage.

 

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