« Agnus Dei »
Des formules en anorexie, des millimètres de peinture écaillée par le temps, qui réduit son pigment comme le lait de la crème. Le peu se change en épaisseur, les pellicules amoindries recèlent en éclats de vieillesses. Palimpsestes méthodiques, Opalka ne cesse de tournoyer entre ses mesures quasi hiératiques, ses déversements jusqu’à l’absurde du trop au rien, du trop du rien, au rien de rien qu’il n’atteindra qu’à son rien final, c’est dire si c’est un tout. Pot de peinture noir qui devient blanc. Tremper le pinceau, tourner calmement, l’en extraire et apposer sereinement et sans lyrisme des signes de suites mathématiques, chaque touche toujours plus éclatante de l’empreinte de finitudes. Imaginer toutes ces toiles, elles qui ne sont que des écrans boulimiques de particules toutes leurrées par les plaintes du temps. Et voir comme des pellicules, entrelacs, et noeuds de toiles et voguer dans les trames binaires à la recherche du sens.
L’homme, le pigment, le support, une trinité qui forme le signe. Une résurrection inattendue mais probable à la mort de l’artiste dans la conscience telle quelle du dispositif en monstration. Ses toiles seront son corps, et les signes en pigment son sang qui purifie. L’art a cela parfois qu’il offre le goût du blasphème et de voir son art se personnifier en l’innommable, en dessein sacré, en Agnus Dei.
Sophie Bosselut