Autels et vanités de Claire Vaudey
Par Théodore Blaise
Claire Vaudey, tout comme Nicolas Poussin le faisait, appréhende son tableau en faisant une maquette. Elle ordonne sur une table des éléments, qui se retrouvent d’une œuvre à l’autre. Ce sont diverses planchettes de bois et souvent des objets qu’elle a pensés et réalisés à l’aide d’une imprimante 3D, des échelles, des volumes ou même des petits animaux. Le tout oscille entre un blanc cassé et un léger brun, des tons neutres, donc. Elle travaille avec minutie l’agencement de tout cela pour obtenir une organisation spatiale qui façonne les équilibres d’une géométrie intime.
Elle ne se munit pas d’une bougie, comme le vieux maître pour provoquer des ombres, mais plutôt des outils de son temps. Elle cherche, comme lui, à scander la lumière et à obtenir sur les formes en volume l’interpénétration d’un jeu de pénombres.
La photo réalisée, elle complète sa composition sur un ordinateur, insère des images qu’elle apprécie, comme un chien ou un motif, qu’elle emprunte à un confrère du passé.
Vient la peinture, le choix de la gouache n’est pas celui de la facilité. Ce matériau produit des ambiances colorées opposées aux tons électriques et fluos qui prédominent. Claire Vaudey produit des tons francs qui font que les plans du tableau ont la plus grande acuité et, avant de définir une chose représentée, elle impose l’idée d’un espace venu à la fois de la réflexion et d’une grande maîtrise.
Devant l’une de ses œuvres , le regard croit reconnaître les motifs floraux d’un papier peint au-devant duquel un amoncelle- ment de “boîtes”, dont certaines ont le fond recouvert d’une image qui fait écho ou rime avec un élément de la composition. Le travail des ombres si accentuées, nous dit bien qu’on se trouve dans un territoire qui suscite la rencontre de son imaginaire avec le nôtre. L’énigme que constitue chacun de ses tableaux comme on le dirait à l’opéra, nous renvoie, à la nature morte, plutôt à un de ses sous-genres la peinture de vanité.
Par sa matière, la gouache impose une frontalité assumée, parfois même, elle laisse voir les coulures du pinceau qui débordent du cadre de la scène. A cette frontalité s’ajoute la manifestation allégorique du temps par l’ensemble de ses fuseaux d’ombre, qui semblent nous inviter à passer de l’autre côté du miroir. Comme un crâne, un coquillage ou un livre, en sa symbolique nous interpelle en nous disant qu’être là ne tient que du passage. Les énigmes de Claire Vaudey, si énergiques en phosphène, contaminent la vision et l’esprit pour installer devant nous le possible de l’impossible que seule la peinture, par l’action physique qu’elle exerce sur nous, permet. Et cela sans les artifices des vieux symboles, mais avec la maîtrise neuve de sa main de femme.
Exposition du 8 avril au 25 mai
Area
3, rue Volta Paris
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