Bacon en toutes lettres
Par Elsa Kaminski
BACON
La carrière artistique de Francis Bacon, peintre britannique, est celle d’un artiste aussi passionné que destructeur dont le goût pour la peinture s’est révélé après la visite d’une exposition de dessins de Picasso. Il se signale alors véritablement à partir de 1945, lors de la présentation de son triptyque « Trois études pour des personnages au pied d’une crucifixion » dont son goût pour une vision ardente et expressive ne pouvait que surprendre ses contemporains.
Comme son nom l’indique, le Centre Pompidou s’intéresse à la période qui a suivi la grande rétrospective du Grand Palais en 1971, plus exactement aux rapports entre ses oeuvres et la littérature durant les vingt dernières années de sa carrière. Mais cette date est aussi celle du suicide de son compagnon George Dyer qu’il immortalisa dans une série de grands triptyques – devenant son mode d’expression préféré – ainsi nommés « Triptyques noirs » notamment visibles dès le début de l’exposition.
On découvre donc, à nouveau, les peintures de Francis Bacon à travers une attitude à la fois poétique, coupable et tourmentée donnant force et caractère à des corps humains estropiés, tiraillés et difformes.
Ainsi donc, pris en ce sens, le Commissaire de l’exposition, Didier Ottinger, a choisi de mettre en avant des extraits d’Eschyle, Friedrich Nietzche, Georges Bataille, Michel Leiris, Joseph Conrad et TS Eliot, que lisait l’artiste et que l’on peut écouter au fil de l’exposition.
Mais sa parole si personnelle, son parti pris pour des couleurs parfois tranchées et son refus de se valoir d’une illustration parfaite, font éclater les représentations, les perspectives et leurs sujets en de nouvelles formes pour en faire des oeuvres uniques. Inspiré de la chronophotographie de Muybridge mais également des photos de son entourage par John Deakin afin de soustraire à la tradition de la pose, il dépouille les corps, les visages et les objets de toute ancienne trace de mouvements artistiques pour n’y laisser que sa propre vision telle qu’il la percevait au gré de ses lectures et de ses expériences.
Si dans ce tissu si riche qu’est la littérature où les visiteurs découvrent un des nombreux aspects complexes de l’artiste britannique, le silence des cartels habituels pour nous prêter main forte face à nos interrogations risque toutefois de ne susciter qu’une analyse purement visuelle de son oeuvre alors isolée de son soubassement pourtant intellectuel.
Peut-être vaut-il mieux se renseigner au préalable et visiter l’exposition, armé de connaissances…
Avec une vigueur particulière, une sincérité absolue et une indépendance artistique vivifiante, Francis Bacon nous livre le temps de quelques mois l’évolution de plusieurs années d’une esthétique et d’un style aussi instinctifs que calculés.
Centre Pompidou
L’exposition Bacon en toutes lettres
du 11 septembre 2019 au 20 janvier 2020