Chers amis,
Par Monique Stalens
Je comprends votre absence de réponse comme un refus de reprendre le spectacle Gombrowicz.
Heureusement il se trouve que la violoniste Natalia Mazurkiewicz en visite me fait regarder une vidéo du même spectacle « Quand la machine m’écrase »… de Gombrowicz joué à l’école d’art de Cracovie par mes jeunes élèves de leur section théâtre en été 2015, et mis en scène à l’époque en quelques jours.
Je m’attendais à être déçue… Eh bien pas du tout. Jouée PAUVREMENT sans aucun autre moyen qu’un « espace vide », sans coulisses, sans décor autre que quelques cubes en bois, au milieu d’une expo de photos, cette représentation de Cracovie presque improvisée a un charme fou. Elle me fait penser à ce que dit Gombrowicz de l’opérette polonaise, et de sa « DIVINE IDIOTIE ». A travers la pauvreté des moyens et la SIMPLICITE du jeu, chaque personnage se révèle par la qualité de ses contacts avec ses partenaires… Des significations secrètes se devinent… Cruellement tiraillés entre des pulsions contradictoires, ces marionnettes sont à la fois des tyrans possédés par la passion de la domination et celle de la soumission à quelque esclavage. Il y a de la POESIE tout du long, du mystère…Le public est bon-enfant mais accroché, la musique remplit son office et rappelle la multiplicité des mondes offerts par le spectacle. Il y a des échos métaphysiques, l’opposition des générations, la prétention scientifique, les pulsions obscures… La violence de l’Histoire…
La pauvreté des moyens donne au spectacle une aura. Une poésie shakespearienne, souvenons-nous du « Songe », avec la scène des comédiens-amateurs! C’est nous les AMATEURS AMOUREUX revendiqués ! Pas d’écrans grands dieux ! Un auto-éclairage des acteurs avec leurs portables, la MELODIE et les RYTHMES viennent par l’écoute… La réactivité de la violoniste. Béats, les spectateurs sont inclus dans l’espace scénique, On les regarde, ils sont acteurs involontaires, font gaffe, montrent leur stupeur…
J’étais assise à côté de la directrice de l’école Madame Gawel pour laquelle j’avais eu du mal à garder une place. Elle était médusée et redécouvrait ses élèves qu’elle ne pensait pas capables de cette VERITE instantanée, distillée, savourée par le public… Elle n’en revenait pas ;
Je cherche les prénoms des acteurs et les retrouve grâce à Natalia. Il y a Paulina qui a joué avec moi dans plusieurs spectacles. Il y a Marzena qui avait joué l’agent de cinéma dans le fabuleux texte d’Ilia Ehrenbourg « Lazik ». Il y a Mateusz… Et celle qui jouait Kulka avec brio, et la délicieuse Comtesse juchée sur ses pointes, crachant son mépris!
Pas seulement du bonheur . Je lisais ce matin le texte de l’écrivain Kamel Daoud : « congédier la mort ». (Le Point du 10 août). C’est pour « maintenir la vie » que je fais du théâtre. Je prêche dans le désert comme Schéhérazade!
Je vous embrasse.
Monique Stalens