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Croisement Gaza – Bd Saint-Germain

Propos recueillis par Sabine Hogrel

C’est à l’occasion du Festival de la fiction de la Rochelle 2023 que Saisons de Culture a eu le plaisir de rencontrer toute l’équipe de la série, Croisement Gaza-Bd Saint Germain ; l’histoire d’un « coup de foudre entre deux jeunes parisiens, Yaël et Youssouf. Après s’être aimés et séparés, ils se retrouvent, quelques années plus tard, à la frontière entre Gaza et Israël, dans un tunnel à plus de 8 mètres sous terre, face à face, leurs armes braquées l’une contre l’autre. »

L’idée première d’une série est l’étincelle qui fait naître l’histoire. Pour le réalisateur Jacques Ouaniche, cette étincelle est venue de cette question : « Comment imaginer que des gens qui se détestent sans se connaître puissent s’aimer ? (…) Que se passerait-il si, enfermé dans un tunnel, on rencontre l’amour de sa vie et qu’on est censé le détester ? »

L’écriture d’une série est aussi un regard que l’on pose sur une histoire. Croisement Gaza-BD Saint Germain est une partition à quatre mains avec la scénariste Lise Barembaum qui apporte ici son regard de femme française mais aussi d’israélienne. Pas la peine de chercher de noms connus pour les comédiens principaux, Jacques Ouaniche a opté pour l’émergence des talents, ce qui apporte une vraie fraîcheur.

 

Pour nous immerger totalement dans l’univers de cette série, quoi de mieux que de demander aux comédien(nes) ce qui les a le plus touchés dans cette histoire, dans leur personnage :

Pour Tess Boutmann qui interprète le rôle principal de Yaël Mendes « C’est un personnage que je comprends énormément. Je n’ai pas son vécu mais (…). il y a dix ans, la moitié de ma famille a immigré en Israël (…) J’ai une dizaine de cousins qui sont là-bas depuis l’âge de 12/15 ans et très vite, ils ont fait leur service militaire. Ils disparaissaient pendant trois ans. J’ai développé assez vite une peur de ce service militaire dont ils ne pouvaient parler. (…) En fait, ils sont partis pour les mêmes raisons que dans la série, sans l’avoir vécu forcément de la même manière. Ils avaient senti une peur dans leur quartier et ils sont partis avec. J’ai compris leur départ, c’est aussi lié à mon personnage. En tant que femme aussi qui démarrait la boxe, j’ai ressenti ce besoin de se réapproprier son corps, de devenir forte, d’être consciente de sa propre puissance et de pouvoir se défendre par elle-même (…), c’est quelque chose que je comprenais profondément. Je trouvais cette trajectoire bien écrite, elle me touchait et j’avais vraiment envie de défendre ce personnage (…) Il y a eu même des fois où l’on discutait entre nous en répétition. Par exemple sur la scène de rupture, la seule fois, d’ailleurs, où les personnages ont une conversation politique, on se retrouvait tous à défendre notre personnage (…) Cette histoire de couple judéo-musulman, je l’ai beaucoup expérimentée, c’est un sujet qui m’intéresse et au moment où j’ai été castée, j’écrivais là-dessus. »

 

Adib Cheikhi, alias Youssouff Daloud, amoureux de Yaël « (…) J’ai fait des études de relations internationales, alors forcément, pour moi, c’est un sujet passionnant. Quand on a passé les auditions, je n’avais pas de descriptif des personnages, j’avais juste la scène. Donc, j’ai commencé par me présenter, et j’ai raconté toute ma vie sans inventer quoi que ce soit. Et quand Jacques (Ouaniche) m’a présenté le personnage, j’ai vu d’un coup ma vie ! C’était assez proche de moi, le fait qu’il soit profondément empathique, qu’il croit sincèrement dans la possibilité de changer les choses, de les améliorer et aussi dans son rapport amoureux »

 

Jacques Ouaniche « (…) Bien sûr que c’est une fiction mais d’avoir des comédiens qui soient proches des personnages qu’on a imaginés, quand on les trouve, c’est vraiment formidable »

 

Victor Taieb, alias Yoni Cohen « Yoni est un peu raciste, sanguin, moi je suis une personne assez calme, sympathique et je ne pense pas être raciste, en tout cas, je n’ai eu aucun écho à ce sujet. Du coup, c’était d’autant plus un plaisir d’interpréter un personnage qui est radicalement loin de moi et de découvrir des émotions qui ne m’appartenaient pas et dont je n’avais jamais fait l’expérience avant, c’était passionnant. J’ai vécu plein d’expériences grâce à ce tournage. J’ai trouvé le pitch génial, cette histoire d’amour entre deux frères ennemis. (…) C’est cool qu’on traite, qu’on détabouise le sujet de cette guerre (…) Le sujet est tellement fort et nous tient tellement à cœur, je crois qu’on avait tous envie de le porter, d’y prendre soin et de ne pas le prendre à la légère »

 

Noémie Bernstein, alias Kelly Roeznfeld « C’est une jeune femme qui n’est pas engagée militairement, physiquement dans l’armée. Pour elle, c’est défendre un point de vue, un journalisme. Elle se retrouve donc embarquée dans quelque chose qui est complètement au-delà de son imagination (…). Son personnage évolue. Elle va rencontrer la femme forte qui est en elle, son âme de journaliste dans sa propre vie, ce qui rend le rôle fort (…) Je suis franco-israélienne et j’ai fait mon service militaire en étant sur le terrain, à l’inverse de mon personnage. (…) On a l’habitude de voir des séries militaires avec des comédiens plus adultes, on ne peut donc pas se projeter en tant que jeunes alors que là, ça pourrait être notre vie, ça pourrait nous arriver (…) J’ai eu beaucoup de chance que Jacques m’ait fait confiance car c’est mon premier rôle (…) tout était très fort comme le tournage sous terre… »

 

Laure Balzan « (…) On a tourné dans un tunnel de la 1ère guerre mondiale, découvert trois mois auparavant dans les hauts de France, à Compiègne, dans un endroit secret (…), il y avait encore les vestiges de boîtes de conserve, de chaussures… Il a été nettoyé, déminé… (…) On a organisé autour de ce trou, au milieu de la forêt, tout un campement pour que nos acteurs et notre réalisateur puissent s’épanouir dans ce tunnel qui était à perte de vue (…). Ça les a mis en condition (…) »

 

Fannie Collette « Je joue le rôle d’Emma qui est une étudiante à Sciences Po. J’ai aussi fait Science Po à Lille avant de devenir comédienne. C’était un plaisir de pouvoir tourner dans les locaux de mon ancienne école (…) On aborde ce thème de la diversité sociale dans les grandes écoles, c’est ce que raconte mon personnage qui est très snob et dans sa bulle parce qu’elle vient d’un milieu très favorisé. L’ayant vécu, j’ai le souvenir que mes promos n’étaient pas très diversifiées socialement. C’était un thème intéressant à aborder. »

 

Marine Jouhet, alias Marie Mendes « C’est un rôle qui m’a particulièrement touchée. C’est une mère qui perd complètement pied suite à l’agression de sa fille. Son mari lui en veut, il pense que c’est sa faute. Elle se réfugie alors dans la religion juive et trouve dans cette communauté, une famille (…) Pour jouer ce rôle, je me suis immergée dans cette religion juive que je ne connaissais pas. (…) Ca a aussi été un tournage incroyable à Lille et aussi à Compiègne, la ville où j’ai grandi, où j’ai ma maman. J’y vais tous les week-ends. »

 

Carla Besnaïnou, alias Léa Mendes « Je joue la petite sœur de Yaël Mendes. A la base, Léa est une jeune solaire, pleine de vie qui joue le rôle de la grande sœur avec sa grande sœur (…) et qui après une violente agression, se retrouve en fauteuil roulant comme inanimée, sans vie. C’est une catastrophe qui arrive à la famille. (…) Je reviens sur ce que Tess a dit, je crois profondément en l’amour judéo-arabe, c’est un sujet tellement important qu’on n’aborde pas assez, qui est abordé trop superficiellement (…) »

 

Jacques Ouaniche « C’est avant tout une histoire de français avec des français, sinon ça n’a aucun sens. Ce sont des enfants de la République française. Il y en a un qui est juif, l’autre musulman. Yaël part faire l’armée après ce qui est arrivé à sa sœur, après avoir découvert l’antisémitisme. Etant extrêmement privilégiée dans sa vie, venant d’une famille laïque, elle ne savait même pas ce que c’était l’antisémitisme et Youssouf, pareil. Il vit dans les beaux quartiers parisiens (…) On a essayé de casser les clichés aussi (…) »

 

Laure Balzan « Ce sont des questions contemporaines sur la jeunesse, un kaléidoscope de regards croisés sur le monde. Ce qui est intéressant aussi sur ce projet, c’est que la chaîne OCS nous a laissé la liberté artistique dans le choix des langues. (…) On a quand même quatre ou cinq acteurs de la série qui ont appris l’arabe palestinien pour parler dans le tunnel, (…) ils ont travaillé d’arrache-pieds, ont été coachés, et cela participe à la véracité de la série. (…) Le chef opérateur était anglo-israélien, l’équipe technique parlait anglais, les acteurs en arabe, on avait une script Russe, une assistante caméra ukrainienne, une autre équipe en français, ça a été la tour de Babel cette série ! (…) Et tout ça en ébullition, ça a donné ces images fortes et ces beaux personnages qui ont éclaté sous la direction de Jacques, ça a donné un bon shaker ! (…) »

 

Adib Cheikhi « Ca a même dépassé la série car après, je suis resté en Israël pour découvrir le pays et les territoires palestiniens (…). Et beaucoup de ce qu’a vécu Youssouf m’est arrivé après dans la vie comme si le tournage avait continué après la série (…) »

 

Croisement Gaza-Bd Saint Germain, série 6X45’

Réalisée par Jacques Ouaniche et co-écrite avec Lise Barembaum

Produite par Noe films, Blackpills et OCS

Disponible sur OCS