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Jeanne Malivel – une femme libre, pionnière de l’art moderne breton

Par Ghislaine Lejard

Jeanne Malivel (15 avril 1895 Loudéac-2 septembre1926 Rennes).

Jeanne une femme libre.

Elle crée son œuvre loin des salons mondains parisiens, elle refuse toute protection et l’académisme de l’école des Beaux – Arts de Paris. Elle a la Bretagne au cœur et, pendant la première guerre mondiale, retourne à Loudéac.

Elle aurait pu se faire un nom chez les Nabis car de retour à Paris,  elle avait rejoint en 1919 Maurice Denis dans ses ateliers d’art sacré rue de Fürstemberg, elle suivait au Collège de France des cours de langue et littérature celtiques.

« Féconder le travail de l’artisan par celui de l’artiste » J. Malivel

Pour Jeanne, pas d’art pour l’art, mais l’art ancré dans le quotidien. Elle veut renouveler la tradition et la tourner vers la modernité, avec elle l’art se met au service de circuits courts. Elle œuvre à renouveler l’art breton et s’illustre dans le domaine du mobilier, elle crée des dessins pour des motifs textiles, des céramiques et de nombreux objets du quotidien. Elle soutient ainsi les artisans locaux et donne du travail aux femmes de sa région. Elle est l’une des grandes rénovatrices de la gravure sur bois, son œuvre compte plus de 150 gravures. S’inspirant de gravures anciennes et de lettrines celtiques, ses gravures les plus connues illustrent l’ouvrage Histoire de notre Bretagne publié en 1922.

Un rôle majeur dans les arts décoratifs en Bretagne

Elle crée le mouvement Seiz Breur (Les sept frères), titre emprunté à un conte breton. Elle fédère de jeunes artistes et artisans bretons pour un projet de pavillon de la Bretagne à l’exposition des arts décoratifs de Paris en 1925, leur participation y sera remarquée et reconnue.

L’exposition à Forney un émouvant témoignage

Une exposition se tient à la bibliothèque Forney pour découvrir cette femme libre et engagée, cette bretonne attachée à valoriser sa région, cette artiste pionnière de l’art décoratif. Une exposition, riche de plus de 250 pièces, qui met en lumière une artiste «  oubliée » dont l’œuvre foisonnante est considérable. Cette exposition  qui a débuté le 8 mars se terminera le 1 juillet 2023, elle témoigne de la fulgurante créativité de cette jeune femme, 10 ans seulement pour une production intense dans des domaines très variés.

On y découvre des portraits de famille, son frère Jean (1916) sa mère Marie Malivel, sa sœur Yvonne le tableau a été peint pour ses 16 ans, mais aussi des portraits de paysans bretons comme un émouvant pastel sur papier d’un paysan de Loudéac.

A 19 ans, pendant la grande guerre, elle s’engage comme infirmière, elle est l’une de ces «  anges blancs » ; des dessins pris sur le vif témoignent de ce que vivent les poilus. Elle aime par le dessin rendre compte de ce qu’elle voit, de ce qu’elle vit. On est touché par ses croquis de la Troménie de Locronan datant du 14 juillet 1923 et par le témoignage de Alexandre Masseron, pour le journal  Le correspondant, qui l’aperçoit et la décrit ainsi : «Une petite femme vive, dessinant à traits rapides au crayon, les coiffes et les vieux glaziks, concentrée, alternant prière et travail et ne cessant d’égrener son chapelet.»

On est frappé par une œuvre « remarquable » dans sa composition, une descente de la Croix, elle est unique en son genre, puisque ce sont des femmes en costume breton qui occupent cette tâche toujours dédiée à des hommes, cette œuvre est emblématique du caractère innovant de Jeanne Malivel qui tranche avec l’académisme.

Cette exposition rend compte  de l’intense production et de la richesse créative de cette jeune femme qui avait peut-être l’intuition de ce temps qui, pour elle, était compté, elle qui avait dit : «  Il faut toujours se tenir prêt à mourir ». Elle est de ces soleils qui partis trop vite ne cesse d’éclairer le présent, comme le poète breton René Guy Cadou, lui aussi décédé, à l’âge de 31 ans, le jour du printemps.

De cette visite à Forney, je retiens aussi le registre des abonnés dans une vitrine, ouvert à une page où on y voit le nom de Jeanne Malivel et sa signature. Lorsqu’elle était étudiante à Paris, elle venait à la bibliothèque Forney puiser dans le fonds patrimonial des sources d’inspiration.

Juste de retour des choses que cette exposition qui lui rend cette année en ce lieu, ce très bel hommage.

Exposition Jeanne Malivel , une artiste engagée

Bibliothèque Forney 1, rue du Figuier Paris 75004

Entrée libre