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L’ANGE DU BIZARRE

Le Romantisme noir de Goya à Max Ernst

Il fallait avoir laissé de côté le Romantisme pour oublier à quel point il était pervers et n’ignorait rien du mal. Moyennant quoi on pouvait le laisser languir peu à peu, se couvrir de poussière voire se vêtir d’une certaine naïveté.

C’était d’autant plus facile que le sombre cortège qui l’avait escorté tout au long avait été réclamé par ses héritiers, le symbolisme, le fantastique, le surréalisme, toutes les révolutions et les modernités possibles et imaginables, la psychanalyse enfin, qui mettaient l’homme en face de la cruauté qui est la sienne et qui captive notre attention désormais.

Le Musée d’Orsay avec « Le romantisme noir » nous rappelle que dans la frénésie du XIXème siècle, la part d’ombre, la folie et la furie avaient pu s’exalter en toute liberté et en tous sens.

Le siècle a cherché de tous côtés. Il a souligné combien le mal, la douleur et la mort nous ont toujours escortés, en nous comme dans le monde qui nous entoure.

Les artistes les plus étranges, les poètes les plus visionnaires, ont continuellement hanté tous les domaines de la création, maudits souvent mais pas nécessairement et parfois situés au coeur de l’art de leur temps. La mort est de tous temps notre compagne et l’artiste dans l’homme sait ce qu’il lui doit et comment s’occuper d’elle.

De même du démon, qu’il y croie ou pas. Tout au long  de la mythologie, de l’histoire, de sombres et mystérieux épisodes ont posé des énigmes que l’on ne pouvait éviter d’affronter.

Jérôme Bosch, Monsu Desiderio, Arcimboldo, mainte recherche de Leonard de Vinci, les grotesques qui en ont toujours escorté voire organisé la tète, Bacchus-Dyonisos et de tous les temps, les Danses macabres, les gargouilles, les monstres ne demandent toujours qu’à apparaître, comme Gilles de Rais ou les atrocités de toutes les guerres.

Les romantiques ont tout remis sur la table. Ils ont su nous rappeler que le contrôle de l’homme sur son imagination demeure hypothétique, qu’il est peut être plus important pour l’art d’étonner et de surprendre que de poursuivre le seul beau à force, s’il le faut, de gigantisme et d’ébranler l’esprit du public par l’extrême des passions, la violence des scènes représentées.

Jamais, avec les romantiques, la littérature ne fut plus présente dans l’art, ils ont relu Homère, Dante, Shakespeare… ni les arts davantage en fusion les uns par rapport aux autres, non plus à la poursuite du beau féerique de l’idéal mais vers le territoire interdit des esprits et des fantômes.

Ils ont eu aussi une glorieuse invention: ils ont révélé que le Diable peut être beau, s’il demeure ténébreux; n’est-il pas, Lucifer,  l’archange déchu de Milton qui l’emporte désormais sur Satan. Finis, démodés les pieds de bouc dissimulés sous l’habit!

Le Diable est en nous, parmi nous: l’exposition du Musée d’Orsay vous révélera-t-elle quel est le vôtre, au juste?

Musée d’Orsay du 5 mars au 9 juin 2013
www.musee-orsay.fr

Henri-Hugues Lejeune