Léviathan (Левиафан)
Par Pascal Aubier
De nombreux mois sont passés. La santé n’est plus ce qu’elle était, mais à force de désir, d’opiniâtreté et de libellules variées je me suis remis à aller au cinéma. Et je peux vous dire un truc, c’est génial.
Et là, pour ma première sortie, le grand plaisir et l’effroi, qui ne sont jamais cachés loin l‘un de l’autre.
Léviathan un film Russe comme on les faisait il y a trente ans en Union Soviétique.
Rappelons-nous, l’Union Soviétique. C’était un régime super autoritaire, non ? Eh bien à cette époque – qui a durée tout de même soixante-dix ans -, on a vu surgir des films, produits par l’État même, qui défiaient tout ce que l’on peut imaginer en termes de critique sociale et politique, des films féroces ou espiègles et souvent réalisés et interprétés avec le plus grand talent. On se souvient des Tarkovsky, Iosseliani, Panfilov, Choukchine, Kontchalovsky et d’autres encore qui nous faisaient nous demander où regardait la censure dans ce pays de fous.
Et Léviathan, c’est pareil. On a le souffle coupé par la force du regard dévasté et dévastateur du réalisateur sur son pays et sur ses hommes. Pays qu’il aime sans défaut et hommes qu’il adore avec un mélange de tendresse et de cynisme à peine croyable.
Un film Russe donc. Dans le cadre du Grand Nord, au bord de la mer de Barents, qui n’est pas une région banale. On peut regarder sur la carte, quelque part entre Mourmansk et Arkangelsk.
C’est la simple histoire de Kolia qui tient un garage qui touche la maison où il vit avec sa jeune femme et son fils dans cette petite ville au bout de l’oubli. Mais nous sommes dans la Russie d’aujourd’hui où les dents des prédateurs sont plus aiguisées que jamais. Le Maire de la ville convoite le terrain de Kolia, sa maison et son garage. Il tente, mais en vain de les acheter, mais Kolia et sa famille ne veulent pas perdre tout ce qu’ils possèdent, non seulement le terrain, mais aussi la beauté qui les entoure. Alors le maire corrompu et corrupteur, passe à la vitesse supérieure. Et on part en vrille dans un tourbillon de violence comme on n’en voit jamais dans les films de cow-boys, par exemple innocents.
Je ne vous raconte pas l’histoire, vous verrez bien, ni l’alcool qui coule à flots dans cette folie du delà du Cercle Polaire, ni l’amour qui gît sans qu’on s’en doute. C’est terrible, on a le souffle coupé par la beauté du paysage et la terreur qui brise tout. Les acteurs sont inouïs comme on se souvient que peuvent l’être les Russes. Allez vite découvrir Alexeï Serebriakov
qui joue Kolia et
Roman Madianov alias Vadim Cheleviat le maire crapule. Le réalisateur, Andreï Zviaguintsev est un grand type pour avoir réussi ce coup-là et la jeune femme et mère de famille, un peu aventurière, Elena Liadova, va vous faire tourner la tête.
La Russie est le pays des acteurs. Et un grand, grand pays de cinéma. Allez, régalez-vous