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Malika Pondevie

Par Ghislaine Lejard

Hommages à une artiste lumineuse et contemplative, à une femme de dialogue.

La formation de Malika Pondevie fut pluridisciplinaire à l’image de son ouverture d’esprit. Elle a tout d’abord entrepris des études de lettres et fut initiée au grec et au latin, passionnée qu’elle était de cultures méditerranéennes. Son esprit curieux s’est ouvert à d’autres disciplines : la physique et la chimie et après ses études littéraires, elle a entrepris des études de pharmacie. Installée quelques années à Paris avec son époux, l’architecte et photographe, Jean-Claude Pondevie, elle commencera des études aux Langues Orientales et au centre des Hautes Etudes sur l’Asie et l’Afrique (2)

Deux expositions vont permettre de montrer au public nantais quelques-unes de ses créations artistiques : Peindre c’est dire son moi (Odilon Redon) à la galerie Mélanie Rio Fluency, une autre sur rendez-vous dans un appartement quai Turenne.

Photographie, peinture et collage font partie de ses créations.

La lumière de son Algérie natale, inonde les tableaux de Malika. Le blanc et le bleu dominent, deux couleurs si présentes en Méditerranée : «  Le bleu, symbole de cheminement, d’élévation a une place de prédilection dans ses toiles (…). Le blanc dit le silence, l’infini et habille l’espace dans lequel vit Malika. Surgissent parfois dans l’espace pictural des accents rouges et jaunes. Et souvent le noir en constitue la note de fond. » Blandine Chambast (février 2020)

A la galerie Mélanie Rio Fluency, seront présentées des œuvres ayant comme support aux peintures la photographie. Une autre façon d’appréhender le réel, de se le réapproprier, par superposition. Ces peintures sur photographies donnent une impression poétique au réel. Regarder ces créations, c’est entrevoir l’esprit de contemplation qui habitait l’artiste.

 

Lors de la séance solennelle de l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire (3), le 14 décembre 2023, à la mairie de Nantes dans la salle Bellamy de l’Hôtel Rosmadec, un hommage lui a été rendu.

Malika Pondevie a eu une vie triple  de chercheuse, de scientifique et d’artiste.

Comme Saint Augustin né lui aussi en Algérie ce « Passeur des deux rives » comme elle le désignait (4), Malika est une femme de ces deux rives de la Méditerranée, elle ne cesse de voyager entre culture arabe et culture européenne, que cette Andalousie qu’elle aimait tant incarne si bien, cette Andalousie arabo-andalouse quand la musique y révélait la rencontre entre les trois cultures, juive, chrétienne et musulmane. Une civilisation où les arts et les sciences, tout comme la poésie et la philosophie ont brillé ; Malika était sensible aux jardins andalous à l’image de ces liens tissés entre Orient et Occident.

Le jardin islamique dit-elle : « Tout un monde de raffinement et de plaisir dont on peut avoir quelques idées de nos jours lorsque les parfums d’agrumes de jasmin et de roses se diffusent au crépuscule dans les jardins royaux et les patios aux rafraichissantes fontaines au Palais de l’Alhambra à Grenade. »

Malika ne cessa d’œuvrer pour des relations sereines entre Orient et Occident et pour un dialogue permanent entre les religions, ses concitoyens des Sables d’Olonne peuvent en témoigner.

Une figure féminine à ses yeux incarnait ce pont entre l’Orient et l’Occident, une figure féminine libre engagée qui a mis sa vie au service de valeurs universelles qui dépassent les différences culturelles et religieuses Noor Inayat Khan princesse indienne de nationalité britannique, résistante arrêtée en France et morte à Dachau en mai 1946.

Malika travaillait à un livre consacré à Noor, espérons que ce travail sous une forme ou sous une autre puisse voir le jour.

Malika ne cessa aussi de voyager en musique et en poésie : «  La poésie a toujours été essentielle à mes yeux. ». Son goût de la poésie est pluriel, de l’amour courtois andalou à la poésie de Christian Bobin  poète de l’émerveillement.

On ne peut parler pour Malika de la poésie sans évoquer le poète soufi Attar et son Cantique des oiseaux, symbole du cheminement de l’âme, et cet autre poète qu’elle aimait tant Rumi, en quête du BEAU et de transcendance : « Les roses sourient aux rossignols et leur disent, taisez-vous et contempler la beauté en silence. »

Malika en écho à ces vers de Rumi dit : «  C’est au cœur du silence que la parole poétique se révèle au mieux et nous révèle. »

Pour Malika peintre, la peinture est couleur de silence et au cœur du silence par les couleurs, la peinture de Malika se fait expression poétique. Des tableaux comme des poèmes. La peinture est une alchimie spirituelle comme ont su le dire Rumi et Ibn Arabi si sensibles aux vibrations des couleurs dans la nature.

Pour Malika, le bleu avait une vibration particulière : «  La couleur bleue a pris ses marques de longues dates dans mes toiles posant ses propres signes qui n’ont de cesse de se bousculer, impatients à dire le jardin secret, à creuser l’obscurité intérieure. »

La peinture et aussi la photographie comme expression artistique, l’art de la photographie qu’elle partageait avec son époux Jean-Claude photographe.

« Plus tu donnes, plus tu es » a dit Daniel Maximin que Malika a reçu à la Maison de l’Afrique, ces paroles conviennent à Noor comme à Malika,  elles ont su donner et être.

Malika a œuvré pour l’unité, pour la paix par sa reconnaissance de l’autre et de sa différence ; elle contribuait à abattre les préjugés et à faire grandir l’amour qui en arabe pour se dire à 60 mots ! Elle était toujours attentive à l’autre, elle était lumineuse de bienveillance.

 

 

Peindre c’est dire son moi

Exposition

Galerie Mélanie Rio Fluency

3 place Albert Camus

44200 Nantes

Du 22 au 25 février 2024

14h30-18h30

 Sur rendez-vous 02 40 89 20 40

Vernissage mercredi 21 février 18h

 

  • Malika Pondevie née Romane est décédée le 11 mai 2023.
  • Conférencière, elle intervenait à Paris à l’Institut du Monde Arabe et à Montpellier à l’institut Maimonide.
  • Elle a été élue membre de l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire en 2009, elle était membre du jury pour le prix de poésie Yves Cosson, elle s’investissait dans le partenariat avec la Maison de l’Afrique.
  • Saint Augustin, le passeur des deux rives ed l’Orbestier (2010)