Evenements

Métamorphoses de Christophe Honoré

Par Etienne Ruhaud

Le nom d’Ovide renvoie généralement à des souvenirs scolaires, plus ou moins agréables : contes et légendes racontées en classe, laborieuses versions latines, études de tableaux illustrant telle ou telle histoire… Dépoussiérer l’œuvre, lui donner un tour plus moderne, constitue un fameux défi. Christophe Honoré l’a relevé, choisissant de transposer les Métamorphoses aujourd’hui, tout en restant fidèle au texte.  Le résultat est surprenant, et, pour tout dire, réussi. Conducteur de poids-lourds, Jupiter enlève Europe à la sortie du lycée, quand Narcisse se perd dans la contemplation de lui-même jusqu’à tomber du haut d’un HLM. Jeune chasseur malchanceux, Actéon est abattu par un camarade après avoir été changé en cerf, puni d’avoir surpris un transsexuel pendant sa toilette, figure décalée, moderne, de Diane au bain.

    Les récits s’enchaînent harmonieusement, formant une sorte de suite colorée, tantôt violente, tantôt comique, tantôt tendre, au gré des récits. Mélangeant tons et humeurs, l’ensemble n’est pas sans rappeler la manière de Demy, ou celle de Pasolini dans La Trilogie de la vie. Christophe Honoré garde en effet le souvenir de ces époques nues dont parle Baudelaire, et sait fixer les corps avec une troublante intensité, un érotisme subtil. Situés dans un Languedoc hellénistique, les ébats des dieux et des mortels reflètent ainsi parfaitement la grivoiserie du livre, la liberté de ton propre à la Rome ancienne, dont elle offre une vision neuve. Métamorphoses est ainsi à la fois sensuel et profond.
    Revisiter l’Antiquité n’implique pas, cependant, de négliger l’actualité. Plusieurs maux propres à la société sont discrètement représentés, notamment quand Orphée et ses disciples sont violemment pris à partie dans une banlieue sensible, où la police intervient. Pour autant la légèreté et l’hédonisme dominent, et tranchent avec une rentrée cinématographique un peu sombre, dans un pays en crise. Six ans après une audacieuse adaptation de La Princesse de Clèves1, Christophe Honoré, cinéaste et romancier, en revient aux classiques, et leur redonne vie.