Michel Ragon célébration nantaise
Par Ghislaine Lejard
En collaboration avec l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire, le Passage Sainte-Croix propose aux nantais 4 rencontres autour de Michel Ragon.
Vincent Rousseau, ex-conservateur au musée des Beaux Arts de Nantes et membre de l’académie, a coordonné ces rencontres, initiées par Noëlle Ménard chancelier d’honneur de cette même académie dont Michel Ragon fut membre d’honneur de 1989 à 2020.
Les années nantaises
Michel Ragon romancier, essayiste, historien de l’architecture contemporaine et critique d’art a vécu à Nantes de 1938 à 1945, il arrive à 14 ans avec sa mère ils vivront dans le quartier du Bouffay : « J’avais alors 14 ans, ma mère et moi vivions dans un taudis notre premier logement, dans la conciergerie de l’immeuble, face au Château des Ducs de Bretagne. Je musardais dans les rues proches, je fouinais dans les ruelles du quartier du Bouffay dont les noms m’enchantaient : rue des Echevins, rue des Petites Ecuries, rue de le Juiverie, rue des Chapeliers, place du Pilori » (1991)
Une exposition Michel Ragon enfant du Bouffay présentera des documents originaux, manuscrits, lettres, photographies et objets personnels, de nombreux prêts de son épouse Françoise Ragon pour témoigner de ses années nantaises. Des années fondatrices car c’est à Nantes que Michel Ragon commence à s’intéresser à la peinture contemporaine. Il fait la connaissance de deux étudiants à l’Ecole des Beaux Arts, du même âge que lui et avec lesquels il se lie d’amitié, James Guitet et Martin Barré.
Lorsqu’il arrivera à Paris dans les années 50, il organisera leur première exposition et leur fait découvrir l’art abstrait.
On découvrira aussi des œuvres prêtées par le Musée des Arts de Nantes qui évoqueront ces amitiés et les débuts de Michel Ragon comme critique d’art.
Un aspect de l’œuvre de Michel Ragon est moins connu sa poésie, en 1945 il publie un recueil Prière pour un temps de calamité. Un cri de souffrance et de révolte où il évoque le terrible bombardement de Nantes en septembre 1945 : « J’ai vu la ville en ruines comme un grand cimetière. » Un recueil qui fait penser à celui d’un autre poète nantais René Guy Cadou et son recueil Les brancardiers de l’aube. Un goûter poésie évoquera deux autres recueils Au matin de ma vie (1946) et Cosmopolites (1952).
Sa poésie est empreinte de l’éducation chrétienne qu’il a reçue, une part de lui-même qu’il ne reniera jamais. Une poésie aussi marquée par l’amitié, si il a à Nantes rencontré des peintres, il a aussi en 1943 à 19 ans rencontré des poètes Jean Bouhier et René Guy Cadou son ainé de 4 ans, traversé par une quête spirituelle, il était alors instituteur à Basse Goulaine. Un des poèmes de Michel Ragon est dédicacé à René Guy Cadou et dans le poème Marais de Goulaine, il le cite et évoque « des parfums d’amitié ». Pour son recueil Cosmopolites, il reçoit à Paris le prix des poètes, reconnu dans la filiation d’Apollinaire, Cendrars, Prévert. Très exigeant avec lui-même, il lui semble ne pas avoir trouvé sa propre tonalité poétique et il prend la décision de renoncer à la poésie. Cette trop brève création poétique éclaire sur la personnalité du jeune Michel Ragon, une personnalité imprégnée de culture chrétienne : « Il est vrai que depuis ma petite enfance, je connus les églises par cœur. Elevé chez les Frères des Ecoles Chrétiennes, choriste, j’ai été nourri de latin. Dans ma culture, la part du christianisme est très forte, même si souvent elle m’incommode. »
Un jeune homme ouvert sur le monde, attiré par les voyages et les horizons lointains. Un jeune homme pour qui l’amitié fut une voie pour se tourner vers la littérature et la peinture.
L’âme libertaire
Après la libération, il « monte » à Paris et apporte son soutien au syndicalisme chrétien, il devient membre actif de la CFDT : « J’ai été reçu fraternellement à Paris par des syndicalistes chrétiens et par les anarchistes. » S’il s’éloigne du religieux, il reste attaché au spirituel « La peinture, la musique, l’architecture, la poésie, la littérature, c’est l’accession au spirituel. L’art conduit au spirituel. »
Son mariage avec Françoise a lieu à Ronchamp dans l’église conçue par Le Corbusier : « C’est un pèlerinage que je ferai souvent maintenant. S’y mêlent le souvenir de Le Corbusier et mes attaches à un christianisme proche de celui de Bloy, de Peguy, de Bernanos, « ces anarchistes chrétiens ». Mon socialisme libertaire et christianisme ne sont-ils pas synonymes ».
Deux rencontres au Passage Sainte-Croix se feront avec la complicité de Michel Valmer membre de l’académie, il donnera à entendre lors du goûter poésie des poèmes de Michel Ragon et proposera un spectacle Le grand livre de Michel Ragon, spectacle théâtral interactif et ludique qui sollicitera la participation du public pour découvrir de nombreux champs d’action et les différents engagements de Michel Ragon.
Toutes ces rencontres s’inscrivent dans le cadre de l’hommage national rendu à Michel Ragon pour le centenaire de sa naissance.
Remerciements à Vincent Rousseau pour des notes partagées.
4 événements autour de Michel Ragon au Passage Sainte-Croix 9, rue de la Bâclerie 44000 Nantes
- Exposition flash Michel Ragon enfant du Bouffay du mardi 21 mai au samedi 8 juin
- Le grand livre de Michel Ragon vendredi 24 mai à 19h
- Michel Ragon l’âme libertaire mardi 28 mai à 18h30
- Michel Ragon poète nantais vendredi 31 mai à 17h
Le n° 179 de la revue 303 paru en janvier 2024 est consacré à Michel Ragon.
A noter « Une journée avec Michel Ragon » en présence de Françoise Ragon , le 30 mai à l’Université Permanente et au Musée d’Art pour un cycle de conférences publiques et gratuites.