Rencontre avec Samaneh Atef , artiste iranienne à la galerie 27 concept
Par Ghislaine Lejard
Vous avez une formation scientifique, pourquoi et quand avez-vous choisi de vous exprimer par la peinture et peut-on qualifier votre travail artistique d’engagé ?
J’ai terminé mes études en génie informatique à l’université, mais ce choix était motivé par la pression familiale. Lorsque j’ai achevé mes études secondaires, il était temps de choisir une filière universitaire, et j’ai opté pour le design graphique. Malheureusement, mes parents s’y sont opposés. C’est pourquoi j’ai fini par étudier l’ingénierie, bien que cela ne suscitait aucun intérêt de ma part.
L’art est un moyen puissant d’expression à travers lequel je cherche à véhiculer mes idées les plus profondes. Je suis une fervente défenseure de la liberté, notamment de la liberté d’expression, qui est essentielle pour permettre à chacun de partager sa vision du monde. Dans notre existence, nous sommes tous engagés d’une certaine façon, que ce soit dans notre travail, nos relations ou nos convictions. Cependant, l’art possède cette magie particulière qui transcende les frontières et nous permet d’exprimer nos émotions et nos pensées de manière unique. C’est cet amour profond pour l’art qui me pousse à m’engager pleinement dans cette forme d’expression et à explorer constamment de nouveaux horizons créatifs.
Vous évoquez comme référence la figure de Frida Khalo, mais vos œuvres font aussi penser à des œuvres de l’art brut ; une œuvre forte, voire « violente », dérangeante. Cela vous parait-il juste de vous rapprocher de ce mouvement ?
Je comprends votre point de vue. Il est vrai que Frida Kahlo a été une source d’inspiration pour de nombreux artistes, y compris moi au début de mon parcours. J’ai trouvé des similitudes entre sa vie et la mienne, ce qui m’a profondément touchée lorsque j’ai découvert sa biographie en 2014. À l’époque je n’avais pas exploré ses peintures. Ce sont les événements marquants de sa vie qui ont eu un impact significatif sur ma propre personnalité qu’elle a influencée mais pas mes peintures. En tant qu’artiste, j’ai évolué au fil des huit dernières années, et mon travail s’est développé de manière unique. Mon objectif en tant qu’artiste est d’exprimer mes idées, mes émotions et mes expériences à travers mon art. Bien que certaines de mes œuvres puissent être perçues comme fortes, voire dérangeantes, je m’efforce de créer un langage visuel unique qui me permet de transmettre mes messages de manière authentique. Je ne cherche pas à me rapprocher d’un mouvement, mais plutôt à explorer ma propre voie artistique et à créer des œuvres qui reflètent mes émotions.
Deux couleurs dominent dans vos peintures, le rouge et le noir ; elles contribuent à dire le dramatique de certaines vies féminines entre réclusion et folie, ont-elles d’autres significations ?
Je laisse mon intuition et mon instinct me guider dans mes choix de couleurs, cela peut apporter une dimension authentique et spontanée à mes œuvres. Le rouge est souvent associé à des émotions fortes telles que la passion, la douleur, la colère ou l’amour passionné. Il peut évoquer des expériences intenses et tumultueuses, soulignant ainsi les luttes et les épreuves auxquelles les femmes peuvent être confrontées. Quant au noir, il peut représenter le mystère, l’obscurité et la tristesse. Il peut symboliser les profondeurs de l’âme humaine, évoquant la souffrance, et la détresse émotionnelle. Cependant, il est important de souligner que l’interprétation des couleurs peut varier d’une personne à l’autre et que le public peut ressentir et percevoir les couleurs différemment. Mes choix de couleurs peuvent donc susciter une gamme d’émotions et de significations différentes chez chacun. Ceci dit , je ne choisis pas vraiment les couleurs, c’est la petite Samaneh qui choisit, je ne serai pas dure avec elle et je ne lui demanderai pas la raison de ses choix, elle le sait mieux que moi…
Vous dessinez essentiellement des corps de femmes, leur sexe, leurs larmes ; mais le couple est aussi présent, le couple qui peut changer une société si il peut s’épanouir. Que souhaitez-vous aux hommes et aux femmes d’Iran ?
En Iran, comme partout ailleurs, je souhaite que les hommes et les femmes puissent jouir des mêmes droits et opportunités, sans discrimination ni restrictions basées sur le genre. Je souhaite que les femmes aient la liberté de s’épanouir dans tous les domaines de leur choix, qu’il s’agisse de l’éducation, de la carrière, de l’art ou de l’engagement social. De même, j’espère que les hommes seront encouragés à embrasser des idéaux d’égalité, de respect et de soutien envers les femmes.
Vous exposez actuellement à la galerie 27 concept rue de Bourgogne avec trois autres artistes iraniennes, que pouvez-vous nous dire sur cette exposition collective et sur le choix des tableaux que vous y présentez au public ?
C’est la première fois que je travaille avec la Galerie 27 Concept et je suis très heureuse de cette collaboration. Cette exposition collective offre une plateforme unique pour présenter nos œuvres et exprimer nos voix artistiques. Le choix des artistes a été fait avec soin et réflexion. Chaque artiste a été sélectionnée pour transmettre un message significatif et refléter une vision artistique. Les tableaux explorent des thèmes tels que l’identité, les émotions, la condition humaine ou sociale. J’espère que cette exposition collective permettra aux visiteurs de ressentir et de comprendre les différentes perspectives et voix artistiques des artistes iraniennes présentes. C’est une occasion précieuse de partager nos histoires, nos expériences et nos émotions à travers l’art, et j’espère que cela suscitera des échanges et des réflexions profondes.
Une voix, des voix pour un chemin de résilience.
La galerie 27 concept
27, rue de Bourgogne
75007 Paris
présente du 16 mai au 10 juin 2023 des œuvres de Samaneh Atef dans une exposition collective La voix de l’autre, avec des œuvres de trois autres artistes iraniennes : Negareh Ayat, Faezeh Zandieh, Farzanet Khademian.