Stellaire de Guillaume Couffignal
Par Théodore Blaise
Les amphithéâtres tels qu’on les imagine depuis les plus lointaines civilisations épousent le flanc d’un coteau et posent leurs marches face aux étoiles. Ici le spectacle donné par les hommes se joue sous le chœur des étoiles. Scandent – elles alors la destinée des comédiens, dessinant au-delà de leurs jeux une trajectoire à leur passion ?
Ici, chez Guillaume Couffignal, les marches tournent le dos au ciel et fixent la roche. Ici nul spectacle ne s’offre à celui qui prend place sur les degrés de bronze. Nulle perspective ; nulle hypothèse, nul raisonnement ne se propose. Rien à voir.
À quoi bon regarder si apparemment rien ne fait ciller les yeux ?
Serait-ce qu’il faut attendre ou bien faut-il se souvenir qu’Albert Camus termine son Mythe de Sisyphe par ses mots : « Il faut imaginer Sisyphe heureux ».
Camus trouve que l’absurde est plus fort que la raison parce qu’il ouvre la réflexion ontologique sur la colère et l’oriente vers la passion, la révolte. Plutôt que d’interroger le ciel et ses promesses, ne faut-il pas porter sa quête vers ce qui origine tout, la beauté opaque et muette des roches, sa perpétuelle présence : opacitas originum renovatio.
Et cela fait échos à Guillaume Couffignal, qui dans cette œuvre ne restitue rien d’autre que le pouvoir des matières dont la constitution est le temps même qui les maintient présente au-devant de nous.
Le lourd galet trouvé dans un ruisseau espagnol n’a été ni conçu, ni poli par un homme, il s’est constitué à travers les aléas – chocs et des caresses – de l’eau. Qui aura le courage de mesurer le temps inlassable qui conduit à la perfection de sa peau ?
Et face à lui, comme une irruption rentrée, la construction touchante de l’artiste qui méduse dans le bronze brindilles et fétus, presque du vent.
Deux temps face à face. Temps créateur – celui de l’artiste – confronté au temps du monde. Temps souvenus des éruptions et des laves charriées des sommets jusqu’aux pieds curieux de ceux qui savent lire en chaque pierre l’épopée de l’univers. Celle de l’humain, en face, paraît si peu de chose, mais si essentielle.
Ce « Théâtre au galet », s’offre comme une lumineuse leçon d’humilité.
Exposition Guillaume Couffignal
Galerie Area 39 rue Volta Paris 3ème
Jeudi vendredi Samedi de 14h à 19h. https://www.area-store-paris.com
01 45 23 31 52
(Crédit photo Guillaume Couffignal)
Théâtre au galet
Grés, Bronze, pièce unique
70 x 45 x 30 cm
Photo LOSI.