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Une amie dévouée », La Mythomane du Bataclan

Par Sabine Hogrel

Cette année encore, le Festival de la Fiction de La Rochelle s’est démarqué par la grande qualité des œuvres proposées. Cette 26ème édition nous a littéralement saisies par le parti-pris des productions audiovisuelles d’oser traiter de sujets d’actualité brûlants comme l’unitaire Signalements, réalisé par Eric Métayer. Adapté d’une histoire vraie, celui-ci relate le combat acharné d’une tante pour sauver sa nièce violée durant des années, sous le toit familial, par un ami de ses parents. Le jury, présidé par l’acteur Thierry Godard, a remis le prix de la meilleure actrice à Cécile Bois qui incarne Laurence Brunet-Jambu, la tante à l’écran. Avant sa diffusion sur France 2, une avant-première est prévue le lundi 21 octobre, à 20 h, à la Chambre des métiers de Rennes, 2, cours des Alliés.

Était également diffusée une autre adaptation choc, celle du livre enquête d’Alexandre Kauffmann, la Mythomane du Bataclan (éditions Goutte d’Or, 2021). Cette minisérie en quatre épisodes est la toute première production française de la plate-forme Max, filiale de Warner Bros, Discovery. Comme son titre l’indique, cette série décrit, avec minutie, la manière dont Florence M. s’est fait passer pour une victime des attaques du 13 novembre 2015, avant sa condamnation en 2018. Et pour l’incarner à l’écran, Laure Calamay, est totalement inattendue dans ce rôle dramatique pour lequel, elle déploie une étonnante palette émotionnelle.

Lors de la conférence de presse à la Rochelle, Laure Calamy nous livre la façon dont elle a investi ce personnage pour le rendre à la fois attachant, insupportable et effrayant « (…) J’avais la gourmandise d’explorer toutes ces situations malgré les gouffres, les violences que cela pouvait ouvrir en moi. Cette femme possède un savoir sur la musique qui fait que nous avons envie qu’elle soit notre amie. Il fallait qu’elle ait ce panache, quelque chose d’extrêmement séduisant. (…) Ce qui me passionne en tant qu’actrice, c’est de pouvoir raconter l’être humain sans jugement moral. Il était important qu’on puisse s’identifier à cette femme, qu’on réussisse à la suivre le plus possible, évidemment pas complètement mais qu’on soit sans cesse tiraillés. Quand je joue, je n’y pense pas puisque je la défends, j’explore ce par quoi elle passe, les moments où elle se regarde vraiment. Elle se tient en équilibre et tend le fil de son humanité pour tenter de s’y raccrocher. Ce qui me passionnait dans cette histoire, c’est comment d’un coup, elle se réalise dans cette aventure. Elle est utile à cette cause (…) et en même temps, elle est monstrueuse. Elle a un pouvoir d’empathie avec les autres, avec cette douleur, ce traumatisme énorme des victimes qu’elle rencontre pour au final, se servir, elle. Une des difficultés, pour moi, j’ai cette scène-là en tête, c’est quand la réalité est là, qu’on se retrouve réellement devant le Bataclan. (…) Je ne sais pas comment l’expliquer autrement, je me sentais gelée de l’intérieur parce qu’on était rattrapés par la réalité même si on tournait une fiction. »

D’ailleurs, lors de cette conférence de presse, Véra Peltekian, vice-présidente et directrice des productions originales streaming de Warner Bros. Discovery France, explique, non sans une certaine émotion, le choix de cette histoire « (…) Quand nous avons lu le livre d’Alexandre Kauffmann, nous avons eu l’impression qu’il avait touché du doigt une autre épidémie, qui n’est pas celle du terrorisme mais de la solitude, une bombe à retardement dans la société actuelle. (…) ». Le réalisateur Just Philippot le confirme tout en soulignant, que ce personnage se sent justement utile en œuvrant pour les victimes. Elle le hurle même au moment où elle est démasquée.

Le scénariste Jean-Baptiste Delafon est séduit également par l’idée de pouvoir appréhender ce personnage, inspirée de Florence M. « (…) Il y avait des détails, des sms dans le livre d’Alexandre (Kauffmann) qui me donnaient l’impression de la connaître, de l’avoir croisée, de lui avoir parlé… Comme en présence de quelqu’un avec qui on se sent bien et qui, en même temps, en fait toujours un peu trop. Et derrière tout ça, un gouffre énorme qu’on perçoit ou non. Il a fallu tout réinventer, construire, développer, structurer, en faire du cinéma car la vraie histoire est trop glauque, trop sordide. Le défi était d’aborder tous ces aspects en leur apportant un souffle, un rythme, un suspens. » Le point de vue du personnage joue donc à la fois sur le rejet et le plaisir que nous avons de suivre un être ayant en lui ce génie du mal. Le réalisateur Just Philippot précise d’ailleurs que la difficulté était de « traiter les victimes du 13 novembre avec justesse, sans les enfermer sous une cloche de vénération, de sacralisation pour ne pas leur enlever de la vie (…) ».

Une amie dévouée, disponible dès le 11 octobre sur la plate-forme Max, nous vous invitons à découvrir cette minisérie et le livre-enquête passionnant d’Alexandre Kauffmann.

 

Photos Sandrine Gauthier pour Saisons de Culture