Portraits

Bérine Pharaon

Entretien avec Mylène Vignon

J’ai rencontré Bérine Pharaon lors d’une exposition dirigée par Moufida Atig en hommage à la Méditerranée, en 2024 à la galerie Terrain Vagh. Éblouie par son travail, je lui ai proposé d’illustrer la première de couverture de l’hiver 2025 sur notre site de Saisons de Culture.

Chère Bérine, tu es née au Liban, ce beau pays des grands cèdres, où tu as grandi en plein conflit. Comment se déroule l’enfance d’une petite fille dans une région si tourmentée ?

La guerre civile libanaise a durablement marqué plusieurs générations ; néanmoins, la résilience du peuple libanais a permis à une majorité d’entre nous de dépasser ces événements.

Dès notre rencontre, j’ai pensé que ton patronyme, Pharaon, empreint d’histoire et de spiritualité, portait une résonance singulière. As-tu parfois réfléchi à emprunter un pseudonyme ?

Ma famille est ma force et ma lumière, je leur suis profondément reconnaissante. Nonobstant, ma pratique artistique s’est développée avant que je ne puisse réfléchir à un pseudonyme.

Comment l’artistique est-il venu à toi ? Atavisme ou rencontres ?

Je dois l’appréciation des arts et des belles choses à mon entourage proche et à ma curiosité intellectuelle propre.

Peux-tu nous confier quelques mots de ta technique en matière de photo ?

J’ai eu l’aptitude d’apprendre la photographie et la pratique de l’encre de Chine par moi-même. Selon les sujets que je souhaitais aborder, j’expérimentais divers médiums, techniques artistiques et plastiques, en ne retenant que ce qui me semblait pertinent. Ma photographie, en particulier, est un dialogue d’auteur dont la technique n’est qu’une « extension » supplémentaire.
Comme l’affirme Charles Baudelaire : « L’artiste, le vrai artiste, le vrai poète, ne doit peindre que selon qu’il voit et qu’il sent. Il doit être réellement fidèle à sa propre nature » (Salon, 1859). Il en est de même pour la photographie et tout le reste.

Quels sont, parmi toutes tes expositions, celles qui t’ont le plus marquée ?

Chaque exposition a été un réel plaisir, car elles ont toujours été l’occasion de belles rencontres et de nouvelles découvertes. Certaines m’ont particulièrement marquée : j’ai eu l’honneur de participer à Armonía de Dos Mundos à l’Ambassade d’Espagne au Liban en 2023, une exposition célébrant le dialogue entre l’Orient et l’Occident et rendant hommage notamment à Gibran Khalil Gibran.
J’ai également pris beaucoup de plaisir à exposer au Salon d’Automne (Champs-Élysées, 2024) en section Photographie, où j’ai représenté le Liban avec une œuvre méditative particulièrement sensible.
Enfin, ma participation à la Galerie Terrain Vagh, notamment avec Paris 2024, Art & Patrimoine : L’épopée ludique des J.O, a été un moment fort de cet inoubliable été olympique parisien.

Je te sais grande voyageuse, est-il un lieu qui aurait particulièrement nourri ta créativité ?

Les racines de mes émotions esthétiques sont multiples, car j’ai baigné dans un environnement intellectuel et international. Le bassin méditerranéen de mon enfance n’a jamais cessé d’exister au sein de mon travail artistique. Toutefois, je ne me limite pas à ce périmètre. Lorsque je suis face à une œuvre artistique, j’essaie de comprendre ce que l’auteur a voulu exprimer.
On ne peut aimer l’art sans admirer le travail artistique d’autrui, quelle que soit la discipline ou le lieu.
Il arrive que j’observe une œuvre à travers un détail particulier et que j’y revienne à plusieurs reprises pour ne retenir que l’émotion suscitée.

Nonobstant, lorsqu’il s’agit de mon travail, il s’agit de mes émotions, de ma narration et de mon regard-témoin. Comme l’exprime Paul Valéry : « L’objet profond de l’artiste est de donner plus qu’il ne possède. » Comment y parvenir autrement ?

J’éprouve également du plaisir à rendre hommage aux artistes de talent.

Quel conseil donnerais-tu à la jeunesse ?

Je conseillerais à la jeune génération de ne pas avoir peur d’oser mener la vie qu’elle désire et de cultiver ses talents. Vassily Kandinsky pensait à juste titre que « Le cheval porte son cavalier avec vigueur et rapidité. Mais c’est le cavalier qui conduit le cheval. Le talent conduit l’artiste à de hauts sommets avec vigueur et rapidité. Mais c’est l’artiste qui maîtrise son talent. »

Quels sont tes projets pour 2025 ?

Je fais le choix d’attendre que les projets soient concrétisés pour communiquer, car anticiper davantage ôterait de ma liberté et du hasard des choses de la vie.
J’ai récemment clôturé une exposition collective d’envergure intitulée Au cœur du Liban à l’occasion de la deuxième Biennale d’Aix-en-Provence (2024) et la mission d’en écrire la rétrospective pour L’Agenda Culturel libanais en France.

Cette année 2024 s’est révélée particulièrement intense sur le plan artistique. En conséquence, j’affectionne particulièrement ces mois d’hiver et de festivités, véritables sources de joies et d’inspirations renouvelées.