Bruno Vigneron
La photo dans la peau
J’ai rencontré ce photographe aussi intrépide que talentueux dans les années 2000, à Paris. Il n’a jamais cessé de me surprendre avec ses prises de vues atypiques. Aujourd’hui, porteur de nombreux projets, il m’a confié ces propos recueillis pour Saisons de Culture :
« 1962 fut une année riche en évènements en tout genre : embargo de Cuba suivi de la crise des missiles, abolition de l’esclavage en Arabie Saoudite, les États Unis qui livrent pour la première fois des armes à Israël ou encore l’invention de la mini-jupe, l’arrestation de Nelson Mandela, la révolte des étudiant au Portugal, l’indépendance de l’Algérie, la mort de Marilyn Monroe.En matière de culture Steinbeck reçoit le prix Nobel de littérature, les Beatles enregistrent Love Me Do, Chubby Checker lance le twist, Lawrence d’Arabie reçoit l’Oscar du meilleur film, John Coltrane et Duke Ellington enregistrent leur premier et unique album.
Alors vous pensez bien que ma naissance est passée de manière très anodine, sauf peut-être pour ma mère qui aurait surement préféré être sur une plage agréable en ce mois de juillet torride.
Et me voilà.
Je me serais surement demandé dès ma sortie, si la lumière qui m’aveuglait était du tungstène ou de la lumière du jour, si j’en avais eu le temps, mais je suppose que la grande claque sur les fesses administrée par la sage-femme en guise de bienvenue a certainement dû me distraire quelque peu.
C’est dommage.
Sinon je serais, à coup sûr, ipso facto parti a la pêche aux infos.
Imaginez : Demi Moore, Jodie Foster, Marie Trintignant, Jim Carrey, Tom Cruise ainsi que Jon Bon Jovi avait, également cette année pris la même fessée.
Ça valait une première interview.
Mais non, rien de tout ça. J’ai dû attendre patiemment mes 10 ans pour que mon père m’offre mon premier appareil photo et que je réalise ainsi mon premier reportage social : ma famille en vacances.
Hélas, c’est un métier, la photo, mais ce n’était pas le mien à ce moment-là. Mon premier reportage est donc une demi catastrophe, personne ne m’ayant dit qu’il fallait tourner la molette pour faire avance le film.
Demi catastrophe parce que si les images étaient inexploitables, en revanche cet incident m’a donné gout aux techniques de surimpression : 36 photos sur la même vue, je méritais sûrement le Guiness !
Il me faudra attendre ma majorité pour transformer cette passion en métier. Ma mère, qui m’en voulait surement encore un peu de lui avoir pourri ses vacances de l’année 62, me prédestinait plutôt à une carrière de fonctionnaire…
Après différents passages chez des photographes qui ne partageaient en rien ma passion de la découverte, des voyages ou encore des contacts humains, je rencontre un ancien grand reporter qui se prend d’amitié pour moi et m’explique, patiemment, toutes les ficelles du métier, à commencer par le laboratoire, passage incontournable selon lui, pour devenir photographe. Il avait raison.
S’en suit, un bref passage à l’Afp, mais qui ne correspondait pas non plus à ce que je souhaitais faire de ma vie, puis quelques petites structures de presse telles qu’Imapress et enfin la cour des grands avec les agences Tempsport, Gamma, Sea&See pendant ma période milanaise ou encore Angeli en parallèle avec des magazines tel que Paris Magazine, Profession Reporter, les Nouveaux Aventuriers, Style et Men Style, le Journal du Dimanche pendant cinq ans…puis le summum, pour moi: l’agence Sipa.
J’y resterais jusqu’à la vente de cette dernière à un laboratoire pharmaceutique.
Retour a Gamma, en passant par la très éphémère agence MPA.
Puis départ à nouveau lorsque Gamma est vendue à un groupe qui n’a, lui non plus, aucune expérience de la presse.
Je me demandais ce que j’allais bien pouvoir faire de ma vie professionnelle, à présent que les plus grandes agences de presse avaient été bradées, vendues à des consortiums dont l’intérêt n’était peut-être pas l’information des masses.
Certains photographes m’ayant parlé de la sympathique agence Abaca, j’y dépose quelques sujets.
Mais ça faisait un bon moment que nous réfléchissions, avec des amis, au fait de monter notre propre structure. Ainsi fut fait, nous avons lancé Maya – Press en 2008.
Et ainsi va la vie jusqu’à la publication en première de couverture de Saisons de Culture, de cette ébouriffante photographie d’un paysage marin d’Audresselles, près du Touquet, réalisé à la technique de la « longue exposition » dont les caractéristiques sont les suivantes : ce qui est immobile est net, ce qui est en mouvement est flou. Technique qui nécessite des repérages en amont et une longue patience, surtout quand le sujet est soumis aux aléas de la vague.
Bruno Vigneron, nous prépare une galerie de portraits des Compagnons d’Emmaüs de Lyon, chacun posant sur un fauteuil rouge.
En attendant, nous le retrouverons probablement avec plaisir en exposition à Paris à la rentrée 2018 et Saisons de Culture ne manquera pas de vous en informer.
Mylène Vignon
Le 11 juin 2018