Edgar Sarin
Le mystère en testament
Edgar Sarin étonne. Edgar Sarin fascine. Il reçoit Saisons de Culture dans un lieu insolite, la Chapelle du père Séraphim, prêtre qui le soutient et qui nous accueille par la lecture d’un poème écrit en alexandrins. J’apprends que l’auteur n’est autre que ce jeune homme, Sarin, qui parait sorti d’une autre époque, perché sur la dernière marche d’un escabeau, une cigarette incandescente à la main. Je perçois, à travers les brumes de l’encens, les marques d’une chapelle. Il y a là, allongée sur un sofa de fortune, une dame sans âge, qui répond au prénom de Roseline.
J’apprendrai ensuite, au café du coin, que cette Roseline fut la secrétaire de Basquiat et la personne qui a convaincu Gainsbourg d’arrêter la peinture. Elle fume, elle aussi en me regardant tout en écoutant…
Je m’aperçois alors que l’œuvre, c’est le poème. L’œuvre, c’est cette adresse qu’il fallait décrypter dans un message en alphabet morse. Un alphabet à la lecture universelle, assure l’auteur. Sauf pour moi, évidemment!
L’œuvre participe d’une démarche incarnée par cet ingénieur de formation (math sup-math spé) à la personnalité détonante, ponctuée par la réalisation d’objets : Les entités problématiques et par la mise en scène de processus tout aussi problématiques. Les concessions à perpétuité, d’Edgar Sarin consistent en la réalisation d’un coffret en bois recouvert de papier kraft, qui renferme de manière scellée de bandes noires, une mystérieuse composition picturale. Ce n’est qu’au jour de la mort de l’artiste, que l’acquéreur recevra par pli postal, l’autorisation d’ouvrir le paquet pour découvrir son tableau.
Les Entités lumineuses, simples ampoules sur socles en béton, ne s’allument que pour dispenser pendant seulement vingt-quatre heures, de manière aléatoire d’ici à 2049, un message crypté en Morse. Je tiens à préciser qu’Edgar Sarin est né en 1989. Et puis, il y a ce projet qu’il nous dévoile sur le ton de la confidence : Les treize joyaux hiérarchiquement ordonnés. Il s’agit de treize coffres enterrés pour 100 ans en forêt, à 30 kilomètres de Berlin où se trouve la galerie qui accueille l’artiste. Ce mystérieux « trésor » sera rejoint par un calice en bois : expédition offerte à la caméra, en plein hiver dans le froid.
Egalement littérateur, il organise dans le cadre de La Horla, des manifestations culturelles en compagnie d’autres artistes. Il vit et travaille entre Paris et New York et se situe à la porte de l’expérience, dans un réflexe vital. Rendons ici hommage à son premier collectionneur, Alexandre Donnat.
Edgar Sarin a remporté le prix de La Bourse Révélation Emerige, créé en 2014, qui rend hommage à de jeunes plasticiens émergents vivant en France, de moins de 35 ans et qui ne sont pas encore représentés par une galerie. Le titre cette année 2016 : Une inconnue d’avance.
Il est invité à exposer ses œuvres en 2017, dans la galerie d’art expérimental de Michel Rein, à Paris.
Nous le retrouverons en mars 2016, au Collège des Bernardins à Paris.
Sarin écrit : « je considère le spectateur à partir du moment où il cesse de l’être », des mots qui motivent ma considération pour ce flamboyant personnage, indissociable de son œuvre, que Saisons de Culture ne perdra pas de vue, quel que soit le périple dans lequel il nous entraînera, car le talent est fait pour être partagé.
Mylène Vignon