Henri-Hugues Lejeune
Entretien avec Mylène Vignon
Henri -Hugues Lejeune est entré à Saisons de Culture dès 2011, afin de se consacrer à la chronique des expositions officielles dans les Musée et autres lieux culturels.
Il a accepté de répondre à cet entretien, pour nous livrer quelques confidences sur sa vie passionnante.
Ma « carrière » qui n’a rien d’exceptionnel, a eu plusieurs particularités. Plus de douze ans à l’étranger pour commencer, puis dix-huit ans à Paris avec de nombreux déplacements mais plus de séjours en point fixe : c’est exceptionnel, en général on panache davantage.
Un autre a été d’alterner lieu hautement civilisé et pays très exotique.
Nommément : New-York 3 ans
Port-of-Spain (Trinidad et Tobago) Plus de deux ans
Bruxelles (ambassade) 3 ans
Quito (Ecuador) 3 ans
Ces changements impliquaient à chaque fois des changements de vie tels qu’il fallait un véritable apprivoisement, une adaptation : changer de milieu, de mode de vie, de distractions, de sports, d’amis.
Les plaisirs, le mode de vie comme l’ennui étaient bouleversés.
New York m’a violemment marquée : je dis New York et pas les Etats-Unis, j’étais à la Délégation française à l’ONU, et les Newyorkais très loin de l’Américain standard ( particulièrement ennuyeux).
Est il facile d’être accepté dans les milieux New-yorkais ?
J’étais par ailleurs très « introduit » par des amis familiers des lieux.
A New York tu peux tout faire, pratiquement au plus haut niveau imaginable.
A Trinidad, je ne connaissais personne mais c’est si petit… J’ai beaucoup appris sur l’Eden tropical. Douze heures de jour, douze heures de nuit est peu habituel, les soirées peuvent être longues en dehors du carnaval (deux mois avec les préparatifs).
J’étais un excellent joueur de bridge (pas pratiqué depuis 45 ans). J’ai énormément nagé, plongé (mais sans appareil, pêché en mer une après-midi par semaine, me suis pas mal promené dans la jungle : très intimidant).
En Belgique, j’avais des racines familiales (une grand-mère). Ce très petit pays est très varié et diversifié : quinze km le diversifient. Sports : équitation, chasse : je tirais fort bien, à la fin.
Pas pratiqué depuis quarante ans ; Paris n’était pas loin non plus. J’ai passé à Lille la dernière année de ma licence de droit.
Quito est à 3.000 m. d’altitude. Sous l’Equateur, j’ai pu revoir la jungle. Je restais joueur de bridge, équitation : pas mal dans la Cordillère des Andes, les volcans (une vingtaine dont certains en éruption) Galápagos encore totalement vides. Grand intérêt pour les civilisations pré-incaïques (les Incas ont été des sortes de romains conquérants d’à peine deux siècles).
Voyages dans les pays voisins, Colombie, Pérou (dormi à Machu-Pichu). Les musées sont passionnants : acquis quelques pièces archéologiques (difficile d’y naviguer; faux). Je situerais à ce moment (mes idées) mon goût pour les arts ou « primitifs » (premiers est un mot au fond ridicule, il faudra trouver mieux (originels, en revoyant sérieusement les dates) qui, depuis…
Tu sais pratiquement tout le reste…
Pendant toute cette période, je n’ai pratiquement lu que des livres anglais ou américains (beaucoup de policiers ou d’espionnage, en dehors des Hobbits ou de l’Alexandra Quartet.
J’ai appris l’Espagnol bien sûr mais n’ai lu que des journaux : l’Equateur est peu littéraire malgré Michaux.
Quel enfant étais tu ?
Enfant : fils unique, d’une bourgeoisie aisée. (Père, hommes d’affaires parisiens, mère, industriels du Nord, Lille bien sût). Mes parents ont divorcé quand j’avais 25 ans.
Famille paternelle, républicains libres penseurs, maternelle très cathos (j’avais de ce côté cinquante cousins germains mais en général peu d’affinités).
Elevé totalement parmi les grandes personnes, dont je me considérais partie prenante.
Je n’ai pratiquement pas eu d’amis, de camarades de classe avant la seconde.
J’ai toujours énormément lu, tout ce qui me tombait sous la main (de grandes bibliothèques familiales, où je piochais sans la moindre surveillance).
Education bilingue : cours privés etc.
J’avais 9 ans à la déclaration de guerre,14 à la Libération de Paris. J’ai donc bien vu la guerre, si je n’en ai guère souffert (fortes liaisons familiales campagnardes).
Totalement indiscipliné en classe : lycée (Pasteur à Neuilly) puis collèges quand viré (en troisième).
Je n’étais pas « chahuteur » mais indifférent et globalement paresseux. Incapable total en maths, indifférent aux sciences sauf un peu d’histoire-géo. Je me raccrochais aux branches avec le français, l’anglais, un peu d’histoire et de bagout, sinon c’était la catastrophe.
Pas fait de première (j’ai eu le bac en seconde après avoir doublé ma seconde (vexé, j’avais travaillé aidé par quelques mois d’internat durs pour un enfant « gâté ».
J’ai fait deux philos. On m’a mis alors au travail dans une banque. Au bout de deux mois j’ai fugué en Angleterre, deux mois avec discrets envois d’argent maternels, à Cambridge tout de même et j’ai fini par décrocher de justesse le Bac en septembre après un coup de collier et une expression existentialiste un peu plus étayée.
Quelle voie as-tu choisi pour aborder tes études ?
Beaucoup de lièvres à la fois, dispersées et absence de travail : j’ai par ailleurs joué les intellos, beaucoup vécu à la campagne, en différents endroits (la guerre y a beaucoup contribué).
Science Po, fac de doit et fac de lettres pour commencer. Année préparatoire de Science Po, viré pour absences trop nombreuses (mais j’avais franchi de justesse l’examen d’admission) ma licence de philo n’est pas complète pour enseigner et j’ai obtenu un DEA à l’issue d’une année sabbatique que j’avais demandée après avoir rencontré Josette ! (J’ai une certaine conscience professionnelle depuis que je suis « homme mûr ». Josette venait m’attendre à la Fac les jours de « Travaux Pratiques.
J’étais très timide avec tout cela et sauvage : je le suis grosso modo resté.
Peux-tu nous citer tes différents ouvrages et éditeurs ?
Les Gisants ne sont pas immobiles (poésie) ,Le Pont de l’Épée (1985)
Le Dernier Hussard,Renaudot & Cie (1990)
En l’Ile quittée du soir qui tombe (poésie) ,Galerie Racine (1992)
Deux ou Trois Cercles de l’Enfer (roman), Voltaire (1993)
L’Exécuteur Testamentaire (roman) , Éditions du Rocher (1998)
Un vieil ami (essai) avec Bernard Fran, Robert Laffont (2006)
Le Temple de Cnide (poésie), Éditions Unicité (2011)
Le Vol d’Icare (essai) , Éditions Unicité (2013)
Chroniques Américaines, Éditions Unicité (2014)
Manuscrit trouvé dans un ordinateur, Éditions Saisons de Culture (2017)
Les Aneriens, Éditions Area (2018)
La vie inimitable, Éditions Unicité (2020)
Quelle a été ta plus grande rencontre artistique ?
En dehors de qui tu sais, certainement Nicolas de Staël : dès avant Josette, j’avais pratiquement terminé un essai monographique à son sujet (publié par Saisons…)
Littéraire ?
Très ancienne complicité avec Bernard Frank, qui, rentré à Paris après la guerre, avait rejoint à Pasteur mon ancienne classe où j’avais tous mes copains. Un autre, André Julien a eu en Philo le premier prix du concours général. Nous avons publié un premier numéro d’une revue mort-née « Nyza ». Il avait ses entrées à la NRF et chez Gallimard. Tout a suivi à partir de là, j’étais un peu en retrait (timidité et absence de « preuves »).
André Julien est mort très jeune ; ce fut pour moi un grand chagrin. À signaler ; rencontré très jeune J.F. Revel, toujours très sympathique et amical à mon égard. Je n’en ai pas abusé et il m’en savait gré je pense.
Ta philosophie de vie ?
En ce moment : le hasard est-t-il une nécessité ?
Quels sont tes projets pour 2020 ?
Sortie de « La vie inimitable » aux Éditions Unicité et retour à mes fourneaux.
Ta maxime favorite ?
Accueillir le quotidien et suivre sa pente mais en montant.