Jean-Claude Terrier
Dans la chair des toiles
Dès la première lecture de la proposition de Jean-Claude Terrier, m’est apparu le mot ferveur.
Dans ce magma de vibrations telluriques, on pense à la théorie de la tectonique des plaques. Peintre et passionné de philosophie, il reconnait se trouver au centre de la coappartenance des contrastes, des contraires. Il est toujours dans l’entre deux d’une tension et ne supporte en aucun cas l’idée de savoir.
Lorsque je lui demande ce qui motive ses recherches, il répond: Malgré l’écriture qui me taraude, je travaille encore sur toile pour résoudre un problème. Lorsque je pense avoir trouvé la réponse, je détruis le processus et je recommence. J’aime me surprendre moi-même.
Jean-Claude Terrier regrette d’avoir commis son autodafé. Il préfère travailler sur la mémoire des toiles pour peindre sur l’antériorité. Aujourd’hui, les œuvres brulées lui manquent. Il ne travaille pas dans l’angélisme. Pour lui, sans le charnel, le spirituel n’existe pas. La chair des toiles prend alors sa consistance dans la profondeur des couches… Polarité et tension s’interrogent mutuellement de manière récurrente.
Il ordonne une dialectique entre le travail de la couleur et du noir et blanc. Opiniâtre, il s’est un jour imposé le défi de réapprivoiser l’huile avec l’eau. La technique est un tissu quasi musical, chez cet artiste exigeant, sans cesse en quête d’aléatoire.
C’est au moment où la mort de la peinture était annoncée, qu’il engageait les Vénitiennes. Il y a de l’ironie dans son regard lorsqu’il assure que les gens n’avaient rien compris. L’acte de peindre est une transmission métaphysique, il faut être témoin d’un monde, au-delà du visible, bien au-delà du temps. Il cite Mondrian, Rothko, Turner, Kiefer, Monet; des pairs incontournables, surtout Monet, dans les Glycines.
Il lui faut encore résoudre le passage du papier à la toile et espère réaliser des pièces de 5 mètres pour laisser la place à la respiration et repousser les lignes.
Il espère avoir le temps de ses Glycines. Terrier ne peint que pour la peinture, par pure admiration pour elle.
Léo Ferré dans son texte magistral : «La mémoire et la mer» peint des mathématiques bleues dans le silence des anathèmes, où se dessine son théorème…
On n’est pas très loin de ce poème, à l’aune d’une autre forme d’écriture tout aussi énigmatique, que renvoie comme des messages subliminaux dont on se plait à décrypter les codes, l’œuvre de Jean-Claude Terrier.
Mylène Vignon