Pascal Aubier, cinéaste engagé. De la Nouvelle Vague à nos jours
Par Mylène Vignon
Pascal Aubier est né à Paris, près du Jardin du Luxembourg, dans l’immeuble où son grand-père avait fondé une maison d’éditions éponyme, dirigée ensuite par sa tante et reprise plus tard par
Flammarion. C’est dans cette même maison, que dans son grand salon rempli de livres, de sculptures et de tableaux, je l’ai rencontré.
Avec un plaisir et une ferveur non dissimulés, il m’a livré son histoire.
Dès l’âge de vingt – deux, après ses études au Lycée Louis Le Grand, il décide de se rendre en URSS. Son père, Jean Aubier, décédé alors qu’il n’avait que treize ans, fut pendant la guerre membre du Réseau du Musée de L’Homme fondateur du Journal clandestin Résistance. C’est lui qui lui révéla que c’étaient les Soviétiques qui avaient battu les Nazis et sauvé le monde, la Guerre Froide allant empêcher la menace atomique lancée par les Américains. À l’école, les choses n’étaient pas enseignées de cette façon.
En URSS, il rencontre des gens différents et passionnants. En assistant au Festival de Cinéma à Moscou, pour le compte des Cahiers du Cinéma, il se lie d’une vive amitié pour Otar Iosseliani, qui lui montre son premier film, La Chute des Feuilles. Un chef-d’œuvre !
Il découvre alors ce que sont les Géorgiens dont il ignorait tout, dotés d’une culture et d’une langue très anciennes, qui de surcroît, ont inventé la vigne et le vin, pratiquant une vraie tradition de la table. Ici, on rit, on pleure, on vit…
Pascal retourne presque chaque année retrouver ses amis. Il organise même une Amicale des Cinéastes Franco Soviétiques et réalise plusieurs documentaires sur le Cinéma soviétique et ses cinéastes.
Parallèlement, il poursuit ses études d’Ethnologie et de Langues Orientales et voit trois films par soir rue d’Ulm à la Cinémathèque. Il entre dans le monde du cinéma professionnel de manière incongrue, grâce à un ami qui va produire un film avec Godard. Ce dernier recherche une jeune femme qui n’aurait peur de rien avec un léger accent étranger ! Avec l’amie qu’il voit à l’époque, ils pensent à une jeune fille inscrite à l’Alliance Française qui pourrait correspondre et se présentent tous les trois devant Godard, lequel enfoncé dans son fauteuil, ne cessera jamais au cours de l’audition, de lire un magazine.
Il décide de ne pas engager la pseudo comédienne, qui est assez nulle, il faut le dire et donne le rôle à l’amie de Pascal, lequel sera, à sa grande surprise, engagé lui même comme assistant.
« Mais je n’y connais rien ! » « Vous apprendrez vite ! » Pour Godard c’est réglé. Le Cinéma s’annonce bien…
Le film a pour titre : Paris vu par. Outre Jean Luc Godard, d’autres figures de ce que les journalistes nomment La Nouvelle Vague participent à l’aventure. Claude Chabrol, Jean Daniel Pollet, Jean Rouch, Eric Rhomer et Jean Douchet.
Ensuite Godard lui demande de le rejoindre sur le tournage de Pierrot le fou, et Masculin Féminin.
Il fréquente avec son ami opérateur Jiji, le Bus Palladium où ils vont filmer plusieurs soirs de suite. C’est la naissance de son premier court métrage. Godard qui voit le film par hasard, décide qu’il devrait passer avant le sien :Masculin Féminin, car il montre ce que font la nuit les personnages qui sont vus le jour, dans son propre film.
Coup de chance, coup d’envoi.
Pour Pascal, le court métrage c’est la poésie, il en tournera une cinquantaine.
Il fera aussi trois longs métrages, dont Valparaiso Valparaiso, avec Bernadette Lafont, Alexandra Stewart et Alain Cuny.
Il avoue avoir une tendresse particulière pour Le Chant du Départ, avec Brigitte Fossey et Rufus, interdit sous Giscard. De toutes façons, précise Pascal, l’engagement est toujours controversé et honni.
En 1996, suite à son film Le fils de Gascogne, avec Jean-Claude Dreyfus et Dinara Droukarova, il écrit Les mémoires de Gascogne, récit du cinéma au long de sa vie.
Un deuxième livre paraîtra aux Éditions Unicité, sous le titre, Bon Débarras. Un roman socio psychologique, dont je recommande vivement la lecture.
Récemment, il a écrit des pages exceptionnelles, dans une sorte de carnet de voyage depuis le Transsibérien, au départ de Moscou, alors qu’il se rendait en Chine en compagnie de sa femme l’artiste Sophie Sainrapt. Cet ouvrage va paraître aux Éditions Area. Sous le titre : Le Fabuleux Voyage des enfants du Bon Dieu vers la Chine avec les dessins de Sophie.
Pascal Aubier est critique de cinéma à Saisons de Culture et sa plume honnête et souvent décapante, honore cette revue.