Pierre- Jean Chérer
Entretien avec Mylène Vignon
J’ai rencontré Pierre – Jean lors de la dédicace du livre de son frère Denis à la galerie Area. Son fils Élan, qui exposait ses dessins en était l’illustrateur. Les Chérer, une affaire de famille…une saga !
C’est au Sélect, à Montparnasse que nous avons posé la première pierre de cet entretien.
Pierre -Jean, peux-tu nous parler de ton enfance, quel genre de petit garçon étais tu ?
J’étais fréquemment dans la lune, ma mère m’appelait Pierrôt, ou le petit rossignol car je sifflais tout le temps, sans m’en rendre compte. Le monde des grandes personnes m’impressionnait, j’avais la sensation que je n’y accèderais jamais. Je préférais celui de l’enfance qui me permettait de jouer à être un adulte dans une interprétation plus proche du rêve que de la réalité. Ce que j’ai continué à faire en grandissant. Mon personnage clownesque « Mr Piji » sur YouTube est le fruit de mon univers d’éternel enfant.
À quel moment le virus du spectacle est-il entré dans ta vie ? D’ailleurs était-ce une vocation ?
Très tôt, j’ai été fasciné par les spectacles que mon père nous emmenait voir avec mon frère. Mes premiers émois furent les numéros de cirque. Les clowns, bien sûr, mais aussi les trapézistes et les magiciens. Aussi, avec Denis, nous avions créé « le Circus jeu Bobino » où nous invitions chez nos parents le mercredi après-midi tous les gosses du quartier pour leur présenter notre spectacle ! Ma mère nous a vite inscrits aux cours de théâtre de la ville où nous avons goûté aux joies du théâtre amateur. Et c’est au soir d’une représentation extraordinaire, j’avais 14 ans, que j’ai compris que les plus belles et plus fortes émotions que je pouvais ressentir et partager se trouvaient sur une scène de théâtre. J’ai décidé que je ferai de cette passion, le sens de ma vie.
Comment s’est confirmé ce duo avec ton frère Denis, que nous connaissons bien à Saisons de Culture ?
Nous avons été renvoyés du lycée le même jour, les deux lettres de renvoi dans une seule et même enveloppe. La tête de nos parents, surtout quand nous leur avons révélé notre volonté de brûler les planches ! Complices et animés de la même envie, nous nous sommes immédiatement mis à écrire et à monter nos sketches que nous avons testés, là où on pouvait : cafés, cabarets, clubs de vacances, MJC, etc.
Quel a été le spectacle qui a scellé votre complicité ?
Avec tous ces sketches, nous avons concocté un spectacle qui racontait notre vie de frangins. Il a évolué au cours des années et s’est appelé successivement « deux pour le prix d’un », « bras de frères » ou « j’élève seul mon frère ». Le duo a connu un gentil succès et nous avons eu la chance de fréquenter les théâtres des Blancs-Manteaux, du Point-Virgule, le Théâtre de dix heures, le Café de la Gare, ainsi qu’en tournée, et vécu des moments inoubliables à l’Olympia ou, cerise sur le gâteau, au Cirque d’Hiver ! Notre duo a sévi sur le petit écran dans l’émission « la Classe » notamment, puis dans « les mordus de la vidéo ».
Toi-même, quelles ont été tes principales prestations, celles dont tu es le plus satisfait, avec le recul ?
Franchement, je me sens heureux d’avoir eu la chance d’être sur scène durant toutes ces années depuis mes débuts à 18 ans, jusqu’à aujourd’hui. J’adore les ambiances de troupe, comme cette aventure fantastique avec la pièce de Didier Caron « un vrai bonheur » qui a duré plusieurs années et donné vie à un film. J’ai aimé tourner pour le cinéma quelquefois et pour la télé souvent. J’ai ressenti un grand frisson en jouant mon seul en scène. Mais le spectacle qui m’a le plus éclaté est celui créé et joué avec mon frère Denis « Un dimanche de plomb ». Une folie poétique et délirante.
Tes plus belles rencontres professionnelles ?
Jean Gabin qui me prend sur ses genoux quand j’avais douze ans, pétrifié que j’étais à l’idée de faire des essais avec lui !
Jean Marais qui fut mon papa dans « du vent dans les branches de sassafras ». Un exemple d’humanité et de simplicité, et pourtant un monument.
Jean-Pierre Marielle avec qui je boxais malgré ses bras deux fois plus longs que les miens.
Josiane Balasko avec qui c’est un vrai bonheur de jouer et de rigoler.
Sotha du Café de la Gare dont la fidélité et la confiance sont des cadeaux, comme celui de jouer avec mon fils Lancelot dans une pièce d’Arrabal.
Anémone tellement vraie dans son dernier rôle, celui de notre mère qui perd la boule dans « les nœuds au mouchoir » de Denis Chérer.
Et toutes celles et tous ceux qui ont croisé mon regard, partagé mes émotions, nourri ma passion. C’est formidable de faire autant de belles rencontres, lesquelles parfois ne brillent que l’instant d’un spectacle, mais qui pour la plupart, ne s’éteignent jamais.
Peut-être une anecdote qui t’a marqué au théâtre… ?
Je joue « du vent dans les branches de sassafras » en tournée. Tous les soirs, je lance un couteau qui se plante dans une planche (parfois je rate). Un soir, le plateau est immense, je lance de toutes mes forces et voit le poignard rebondir sur la planche et se diriger vers Jean Marais qui le prend en plein sur l’œil. Effroi, silence dans la salle et sur scène. Du sang coule sur son visage, il dit : « eh ben, c’est qu’il tuerait son père l’animal ! » Rires, tout le monde rassuré, il ne m’en voudra pas, juste une égratignure. Après cet incident, je n’ai plus jamais réussi à planter le couteau tant je l’envoyais faiblement.
Actuellement, je sais que tu développes une idée, peux-tu déjà nous en parler ?
C’est plus qu’une idée, mon nouveau spectacle « Papy & Mamy » que je jouerai au Funambule Montmartre à partir de septembre prochain. Une pièce tendre et poétique sans parole sur le temps qui passe, l’amour et ce qu’on en fait. Avec Marie-Bénédicte Roy, formidable Mamy, Sarah Ibrahim et Clément Chérer, mon fils ! Sur des musiques d’Élan Chérer, mon fils !! et Hélène Choyer.
Quels sont à terme tes projets ?
Je dois jouer mon premier rôle de grand père dans la prochaine pièce de Didier Caron.
Je mets en scène un spectacle de deux jeunes comédiens « la réussite passe par le charisme », fou ! J’espère pouvoir me consacrer à mes autres créations : mon roman qui s’intitule « mes femmes et mes enfants d’abord », mon roman graphique illustré par mes soins, ma deuxième passion, raconter mes fables et mes contes en spectacle (ce que j’ai commencé à faire l’été dernier, le pied !) …
Est-il un dicton qui te caractérise ?
Non, j’aime être surpris, et me surprendre.
Le mot de la fin t’appartient…
Chère Mylène, merci. Tu viens de me faire parler de moi, c’est le principe de l’entretien, certes. Aussi je me rends compte grâce à cela, de la chance que j’ai d’avoir toujours fait et de continuer à faire ce que j’aime, entouré de personnes qui me sont chères, et c’est bien ça qui me comble !